Macky Sall, President of the Republic of Senegal during a side event at the Summit of Heads of States of the African Union on the occasion of the celebration of the World Cancer Day, African Union Headquarters, Addis Ababa, 4 February 2022. Dean Calma / IAEA Imagebank / Wikimedia Commons, CC BY 2.0.
Des transitions démocratiques à l’intégration du continent dans les problématiques globales, les deux Etats se font entendre à l’Assemblée générale de l’ONU
Ayrton Aubry est doctorant à Sciences Po / CERI et Columbia University.
La réunion annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies est un événement diplomatique majeur sur la scène internationale. La tentative russe d’invasion de l’Ukraine représente bien sûr une des principales thématiques abordées, ce qui a pour effet de replacer l’AG au centre du jeu diplomatique mondial. Entre la prise en compte du continent dans la gestion des problématiques globales et les récents coups d’Etat au Sahel, les représentants des Etats africains, en particulier du Mali et du Sénégal, ont aussi imposé d’autres thématiques à cette session de l’AG de l’ONU.
Le discours du Mali a été délivré samedi 24 septembre par le premier ministre par intérim Abdoulaye Maïga. Déjà l’année dernière, la tribune onusienne avait été l’occasion pour le premier ministre, alors Choguel Maïga, d’accuser la France d’avoir « abandonné le Mali en plein vol ». Cette fois la France n’est pas la seule visée par la junte malienne : la Côte d’Ivoire, le Niger et la Guinée-Bissau sont aussi critiqués à différents titres par Abdoulaye Maïga. Ce sont en fait Alassane Ouattara, Mohamed Bazoum et Emballo Sissoko (actuel président de la CEDEAO) qui ont été nommément mentionnés à la tribune de l’ONU. A travers ces trois chefs d’Etat ce sont aussi les institutions de la CEDEAO qui sont visées. L’organisation régionale africaine tient en effet une ligne dure contre les régimes militaires accusés de prolonger les processus de transition. Abdoulaye Maïga a ainsi rappelé pour le Mali l’intention d’organiser une transition à partir de mars 2024
Depuis l’arrivée de la junte au pouvoir en août 2020, les autorités maliennes durcissent de plus en plus le ton vis-à-vis des instances multilatérales, à commencer par les Nations Unies : critiques régulières contre l’organisation, dont une nouvelle salve contre son Secrétaire Général lors du discours d’Abdoulaye Maïga, relations tendues avec la MINUSMA avec l’expulsion de son porte-parole puis l’arrestation de 49 soldats ivoiriens membres de la force onusienne et accusés d’être des mercenaires, trois ont été libérés depuis.
Sur la question des régimes militaires, la CEDEAO a tenu un sommet extraordinaire jeudi 22 septembre en marge de la session de l’AG de l’ONU, où il était surtout question du Mali et de la Guinée, à propos de laquelle des sanctions ont été décidées dans le cadre des négociations sur la durée de la transition. Pour un autre régime militaire, le Burkina Faso, le sommet de l’AG de l’ONU a été l’occasion pour Damiba de sa première prise de parole internationale.
La réunion de la CEDEAO montre l’utilité pour les Etats africains des rencontres multilatérales de l’ampleur de l’AG de l’ONU. Cela explique en partie la prolifération des organisations internationales sur le continent. Le 77ème sommet de l’AG de l’ONU a aussi été l’occasion d’autres discussions sur la sécurité au Sahel et dans le Golfe de Guinée.
Président en exercice de l’Union Africaine, le discours du président sénégalais était attendu. Macky Sall a été le premier chef d’Etat africain à s’exprimer, dès mardi 20 septembre. Le président sénégalais a rappelé les prédictions négatives en termes de sécurité alimentaire pour les Etats africains, du fait de l’invasion russe de l’Ukraine et du réchauffement climatique. Sur ce dernier point, Macky Sall a prolongé un discours critique vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux et des Etats occidentaux, qu’il entretient depuis plusieurs sommets multilatéraux.
Plus largement, à la tribune des Nations Unies Macky Sall a rappelé le caractère global des problématiques habituellement présentées comme africaines (terrorisme et alimentation en particulier), ce qui justifie selon lui une réforme des institutions multilatérales en charge de ces questions globales, et notamment l’intégration de l’Afrique dans le Conseil de Sécurité et dans le G20. Cette réforme est appelée par le continent africain depuis l’élaboration du consensus d’Ezulwini en 2005.
Ayrton Aubry, "Le Mali et le Sénégal à l’AG de l’ONU. Des transitions démocratiques à l’intégration du continent dans les problématiques globales, les deux Etats se font entendre à l’Assemblée générale de l’ONU". Décryptage de l'actualité [en ligne], 26.09.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/le-mali-et-le-senegal-a-lassemblee-generale-de-lonu/