Shirin Ebadi at the WSIS Press Confrence (Tunis, 2005), original photo by Shahram Sharif / modified by User:Kaveh / Wikimedia Commons, CC BY 2.0.
Shirin Ebadi, écrivaine et ancienne juge iranienne a reçu le prix Nobel de la paix en 2003 pour ses efforts pour la démocratie et les droits humains, notamment les droits des femmes et de l’enfant. Cette nomination est fort en symbole : elle est la première femme musulmane et la première Iranienne à obtenir cette distinction. En 120 ans, seulement 18 femmes ont reçu un tel prix.
Shirin Ebadi est née le 21 juin 1947 à Hamadan en Iran. Elle décroche un diplôme de droit à l’université de Téhéran en 1969 et est nommée juge à 22 ans. En 1975, elle est nommée Présidente du tribunal 24 de Téhéran. Elle devient la première, et la plus jeune, femme à occuper ce poste. Mais la Révolution islamique qui secoue le pays en 1979 bouleverse sa vie. L’instauration de la République islamique se traduit par un recul important des droits des femmes ; elles sont jugées inaptes à exercer la fonction de juge. S. Ebadi est donc contrainte de devenir greffière dans le tribunal qu’elle présidait auparavant. Après avoir protesté contre cette mesure, elle et d’autres femmes juges se sont vu attribuer des rôles plus importants au sein du ministère de la justice, mais n’ont toujours pas été autorisées à reprendre leur fonction. Elle prend alors sa retraite anticipée en signe de protestation. En 1992, elle devient avocate des droits civils. Elle s’occupe notamment des femmes et des dissidents dans le cadre de cas politiques et sociaux controversés. Elle a, par exemple, représenté la mère d’Arin Golshani, jeune fille torturée et tuée sous la garde de son père. En 1999, elle présente des éléments de preuve contre les représentants du gouvernement dans le cas de meurtres d’étudiants à l’Université de Téhéran et est condamnée à trois ans de prison. Le 27 novembre 2009, l’Iran lui confisque son Prix Nobel – une première dans l’histoire de l’Académie – attitude fermement condamnée par la communauté internationale, preuve que sa voix résonne au-delà des frontières iraniennes. Depuis 2009, elle est exilée à Londres et poursuit son combat.
S. Ebadi s’est rapidement engagée dans les instances multilatérales pour défendre les droits des femmes et de l’enfant. En 1995, elle a participé à la création de l’Association for Support of Children’s Rights, qu’elle a présidé jusqu’en 2000, organe iranien relié à l’UNICEF. En 1996, elle est observatrice officielle de Human Rights Watch. En 2002, avec quatre autres avocats iraniens, elle fonde le Defenders of Human Rights Center, affilié à la Fédération internationale pour les droits humains, organisme fermé par le gouvernement en 2008. Le 10 décembre 2003, deux ans après avoir reçu le prix Rafto, elle reçoit le prix Nobel de la paix. Elle prononce à cette occasion un discours mémorable, dans lequel elle enjoint les grandes puissances et les organisations internationales à défendre l’égalité des genres, le respect des droits humains et lutter contre le patriarcat. En 2004, elle est nommée par le magazine Forbes comme l’une des 100 femmes les plus puissantes au monde. En janvier 2006, avec cinq autres femmes lauréates du prix Nobel, elle a fondé la Nobel Women’s Initiative, qui soutient les groupes de femmes qui œuvrent en faveur de l’égalité et de la paix. Cette instance leur permet d’interpeller les dirigeants et d’agir avec les organisations internationales pour une plus grande égalité. En août 2009, S.Ebadi a reçu le prix Manhae pour la paix. Elle est également membre de la fondation PeaceJam et membre émérite du conseil d’administration de Reporters Sans Frontières. En 2012, elle a créé le Centre pour les défenseurs des droits humains à Londres à travers lequel elle poursuit ses activités en faveur de la promotion des droits humains en Iran et dans les pays islamiques. Elle a enfin reçu le Prix Aurora et est membre du comité de sélection depuis 2015. En plus d’être une défenseure internationalement reconnue des droits humains, S.Ebadi a publié plus de 70 articles et treize livres consacrés à divers aspects des droits humains, dont certains ont été publiés par l’UNICEF.
Aujourd’hui, Shirin Ebadi continue d’être la porte-parole des droits des femmes. Elle va à la rencontre des dirigeants qu’elle interpelle sur leur rôle dans l’égalité des genres, particulièrement dans les pays où les droits des femmes sont peu ou pas respectés. Elle se rend également dans les instances multilatérales, comme l’Organisation des Nations unies pour faire entendre sa voix. Nul doute qu’elle a joué et joue encore un rôle majeur dans l’autonomisation des femmes et la protection des droits de l’enfant à travers le monde, même si le chemin reste encore long. Elle a récemment déclaré qu’il n’y aura “pas de changement politique sans les femmes”.
Emeline Léonard, "Shirin Ebadi. L’avocate des femmes". Portrait [en ligne], 07.07.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/shirin-ebadi/