Publication - OI

Rigoberta Menchú

Militante pour les droits des peuples autochtones, les droits des femmes et la paix

Philippine Lacaule

Philippine Lacaule est étudiante. Stage de fin d’études : Assistante des Équipes de Réponse aux Urgences Humanitaires de la Croix-Rouge française, Master de Science Politique parcours Action Humanitaire, Université de Lille.

Mots clés :  Portrait   Amérique latine   droits des minorités   genre   paix 

« Nadie puede dar esperanzas más que nosotras mismas todos los días de nuestras vidas »

« Personne ne peut donner de l’espoir plus que nous-mêmes (les femmes) tous les jours de nos vies » (traduction d’un extrait du discours qu’elle a tenu lors de la cérémonie d’hommage au 30 ans de lutte pour la promotion de l’égalité de genre à l’ONU, 4 mars 2005)

La naissance d’un engagement en faveur des peuples autochtones

Rigoberta Menchú est née à Chimel au Nord-Ouest du Guatemala le 9 janvier 1959, dans une famille de paysans indiens. Elle fait partie de la communauté des Quiché, l’une des plus importantes communautés de la culture Maya. Dès l’âge de 5 ans, elle commence à travailler dans les fincas, de vastes domaines agricoles dans lesquels elle ramassait et récoltait le café. Durant son adolescence, elle s’implique dans des activités sociales à travers l’Église Catholique et se mobilise également pour les droits des femmes, notamment le droit des femmes autochtones.

En 1960, le Guatemala entre dans une guerre civile et de nombreux soulèvements paysans ont lieu face au gouvernement autoritaire en place. Sa famille est accusée de prendre part à la guérilla guatémaltèque, un mouvement de résistance face aux dictatures militaires, qui regroupe des militants de gauche et des paysans. Son père, Vicente Menchú est emprisonné et torturé. Lorsqu’il sort de prison, il rejoint le Comité d’Unité Paysanne. En 1979, Rigoberta Menchú adhère également au Comité d’Unité Paysanne. La même année son frère est arrêté, torturé et assassiné par l’Armée. Au sein du Comité d’Unité Paysanne, l’objectif de Rigoberta Menchú et de sa famille est de lutter contre l’exploitation et l’oppression des peuples autochtones. Pour ce faire, son père participe à la lutte armée contre les forces du gouvernement et sa mère se rend dans de nombreux villages afin de sensibiliser les communautés et les encourager à se défendre contre l’oppression exercée par les propriétaires terriens et l’armée. Au sein du Comité d’Unité Paysanne, Rigoberta Menchú prend conscience des discriminations de genre. Les hommes de sa communauté ne la prennent pas au sérieux et elle a du mal à imposer ses idées alors qu’elle est très active au sein du parti. Certains hommes n’acceptent pas la présence des femmes dans ce mouvement et empêchent leurs femmes de combattre à leurs côtés. Malgré cela, selon elle, il n’est pas question de créer une organisation à part pour les femmes car cela donnerait une arme de plus au système qui les oppriment. Elle pense que les hommes doivent participer aux débats concernant les droits des femmes. Durant ces années, Rigoberta Menchú voyage dans diverses régions du Guatemala afin de parler aux femmes paysannes et leur apprendre à diriger leur communauté durant la guerre civile. Elle participe également à de nombreuses manifestations pour demander à l’armée d’arrêter les tortures.

La reconnaissance d’un combat

En 1980, son père est assassiné pendant l’occupation de l’ambassade d’Espagne lors d’un incendie provoqué par l’armée du régime en place. La même année, sa mère est torturée, violée et assassinée par le gouvernement. Son histoire familiale va alors la pousser à mener un combat dans la défense des droits des peuples autochtones victimes de la répression du gouvernement. Après de nombreuses menaces de mort à son encontre, elle s’exile au Mexique en 1981.

Durant son exil, elle écrit et publie en 1983 un livre témoignage « Moi Rigoberta Menchú », dans lequel elle révèle la situation dramatique des populations autochtones au Guatemala. En 1991, elle participe à la préparation par les Nations unies de la déclaration des droits des peuples autochtones. Grâce à son combat, elle reçoit en 1992 le Prix Nobel de la paix « en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethno-culturelle basées sur le respect pour les droits des peuples autochtones ». Elle est la première femme Maya à recevoir ce prix. Durant la même année, elle crée la fondation Rigoberta Menchú Tum, une institution qui lutte pour les droits des peuples autochtones.

La lutte pour les droits des femmes

Dans son combat pour les droits des peuples autochtones, Rigoberta Menchú milite également pour les droits des femmes. En 1999, elle crée l’Association politique des femmes mayas   du   Guatemala (« MOLOJ » – Moloj Kino’jiib’al Mayib’Ixoqib) dont l’objectif est de favoriser leur participation politique et citoyenne. En 2003, sa fondation ouvre le centre éducatif Pavarotti qui a pour but de donner un accès à une éducation de base et de qualité pour les enfants les plus pauvres. Ce centre éducatif vise à promouvoir la culture maya au travers de l’éducation et promeut l’égalité des sexes. A titre d’exemple, la direction du centre est assurée par une femme et un homme.

En 2006, elle est l’une des fondatrices du “Nobel Women’s Initiative”, qui est une organisation composée de six femmes ayant reçu des prix Nobel de la paix, dont l’objectif est d’apporter la paix, l’égalité et de soutenir les droits des femmes dans de nombreux pays à travers le monde. Au cours de la cérémonie des trente ans de lutte pour promouvoir l’égalité de genre, organisée par les Nations unies, elle est invitée à tenir un discours dans lequel elle rend hommage aux femmes qui se sont battues pour aller de l’avant avec leurs enfants et qui ont préservé les valeurs de leurs communautés malgré le désespoir, en particulier dans des contextes de guerre. Elle déplore le fait que les femmes ne participent pas assez aux politiques publiques, et salue les femmes qui ont lutté toute leur vie pour un changement, pour un monde différent, plus digne et plus juste. Elle appelle toutes les femmes du monde à continuer le combat. Aux Nations Unies, elle a également contribué à la rédaction de la Convention 169 de 1991 relative aux droits des peuples indigènes et tribaux de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ainsi qu’à la promotion de la première décennie internationale des peuples autochtones de 1995 à 2004. Enfin, elle a participé à l’élaboration de la Déclaration des droits des peuples autochtones, promue le 13 septembre 2007 par l’ONU. Elle est ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO.

Aujourd’hui, Rigoberta Menchú continue son combat pour les droits des peuples autochtones, pour les droits des femmes et pour la paix au travers de sa fondation, la fondation Rigoberta Menchú Tum, basée au sein de la capitale guatémaltèque, Guatemala City. Elle est aujourd’hui une figure emblématique de la défense des droits des peuples autochtones. »

Pour citer ce document :
Philippine Lacaule, "Rigoberta Menchú. Militante pour les droits des peuples autochtones, les droits des femmes et la paix". Portrait [en ligne], 16.05.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/rigoberta-menchu/