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Nadia Murad Basee Taha

LE 24.07.2023

Nadia Murad at the Preventing Sexual Violence in Conflict Conference – 2022. Foreign, Commonwealth & Development Office / Wikimedia Commons, CC BY 2.0.

De l'esclavage des jihadistes au Nobel de la paix

Louise Thomas

Louise Thomas est étudiante au sein du master Paix, action humanitaire et développement de Sciences Po Lille, spécialisé dans l’étude de la gestion de conflits et des questions de développement.

Mots clés :  Portrait   droits humains   femmes   paix   Violences sexuelles 

“J’espère qu’aujourd’hui marque le début d’une nouvelle ère où la paix est la priorité et au sein de laquelle le monde peut collectivement commencer à définir une nouvelle feuille de route pour protéger les femmes, les enfants et les minorités des persécutions, en particulier les victimes de violences sexuelles”, Nadia Murad Basee Taha, décembre 2018. 

Un destin tragique : Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de Daesh

Nadia Murad Basee Taha naît en 1993 à Kocho dans le district du Sinjar, dans le nord de l’Irak. Lors de la seconde guerre civile irakienne, Daesh prend possession de cette région. Le 3 août 2014, les djihadistes prennent d’assaut son village. Le 15 août, les hommes de son village sont massacrés et jetés dans des fosses communes : les six frères de Nadia Murad sont assassinés. Jeunes femmes et enfants sont réduits en esclavage. Son village devient l’épicentre de l’Etat Islamique (EI), qui tente d’éradiquer la communauté yézidie.

Nadia Murad est emmenée de force à Mossoul avec ses deux sœurs, ses cousines et ses nièces. Elle est alors transformée en esclave sexuelle destinée aux combattants djihadistes. Elle parvient à s’échapper et arrive en Allemagne – la principale diaspora de la communauté yézidie – après un long et difficile parcours migratoire.

Son combat : Nadia Murad, visage de la communauté yézidie sur la scène internationale

Après avoir rejoint sa sœur en Allemagne, Nadia Murad est soutenue par l’organisation Yazda qui défend la communauté yézidie. Elle accepte de parler des violences qu’elle a subies malgré le fait que ces dernières constituent un tabou à de nombreux égards : sa condition de femme, sa religion, son ethnie, sa famille. Son acte de témoignage est un combat en soi.

Elle devient alors porte-parole de la souffrance de son peuple et ne cesse d’appeler à la mobilisation pour les femmes encore retenues par Daesh. Elle donne aussi à réfléchir sur la place de la minorité kurde, en particulier yézidie, en Irak. Sa communauté a en effet subi pas moins de 72 massacres depuis le Moyen-Age, dont le génocide de 1988 faisant 180 000 morts.

Peu à peu, la militante devient le visage de la communauté yézidie persécutée sur la scène internationale. En 2015, elle prend la parole à la tribune du Conseil de sécurité de l’ONU, accusant Daesh de génocide.

Sa reconnaissance par la communauté internationale : Nadia Murad, figure du multilatéralisme

Grâce à son plaidoyer mené sans relâche, Nadia Murad parvient à être accueillie par différents Etats tels que la France et gagne une meilleure reconnaissance de la souffrance, du passé et des droits des yézidis. La mobilisation de la communauté internationale sur la persécution des yézidis s’observe au fil des années lorsque des institutions multilatérales choisissent de décerner à Nadia Murad prix et distinctions, lui permettant de récolter visibilité et fonds afin de poursuivre son combat. En 2016, elle obtient une triple récompense pour son combat en devenant ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour la dignité des survivants de la traite des êtres humains et en décrochant le Prix des droits de l’Homme Václav Havel décerné par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ainsi que le Prix Sakharov.

En 2018, elle obtient à 25 ans, le Prix Nobel de la paix pour son effort pour mettre fin aux violences sexuelles en tant qu’arme dans les conflits armés. Après Malala Yousafzai, elle est la seconde plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix. Le 3 novembre 2021, elle reçoit le Prix Alice et Clifford Spendlove pour la justice sociale, la diplomatie et la tolérance.

Nadia’s initiative :

Grâce à sa reconnaissance sur la scène internationale, Nadia Murad fonde en 2018 l’organisation Nadia’s initiative afin de soutenir la communauté yézidie sur le terrain. En parallèle, elle continue de travailler avec les décideurs politiques à l’image de son intervention devant le Conseil des droits de l’homme du Sénat présidé par les sénateurs Chris Coons et Thom Tillis aux Etats Unis, le 26 octobre 2021 dernier. Elle encourage les décideurs américains à réagir aux violences sexuelles dans les conflits dans le monde et à empêcher la perpétuation de ces actes.

L’organisation Nadia’s initiative répond à un double objectif : reconstruire les communautés en crise et défendre les survivantes des violences sexuelles. D’une part, Nadia’s initiative tente de mettre fin à l’utilisation des femmes et des filles comme armes de guerre. L’organisation plaide pour que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables de leurs actes, et pour que les voix des survivantes soient entendues afin de guérir et se reconstruire. D’autre part, Nadia’s initiative œuvre sur le terrain en travaillant à la restauration des ressources de base, des services et de la sécurité dans les régions fragiles, notamment dans le district du Sinjar, détruit par Daesh en 2014.

Pour citer ce document :
Louise Thomas, "Nadia Murad Basee Taha. De l'esclavage des jihadistes au Nobel de la paix". Portrait [en ligne], 24.07.2023, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/nadia-murad-basee-taha/