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Miriam Coronel-Ferrer

Première femme négociatrice en chef au monde et activiste engagée pour la participation des femmes aux processus de paix

Amélie Gubala Delahaye

Amélie Gubala est étudiante au sein du Master Action Humanitaire de l’Université de Lille, et s’intéresse à la défense des droits humains.

Mots clés :  Portrait   Asie   droits humains   femmes   médiation   Négociations   paix 

Miriam Coronel-Ferrer est une enseignante retraitée en science politique à l’Université de Philippines. Elle est spécialisée dans les champs des processus de paix, de la démocratisation et de la défense des droits de l’homme. Elle est une figure importante de la coopération internationale, notamment en Asie du Sud-Est, en tant que première femme négociatrice en chef au monde à finaliser et signer un accord de paix avec un groupe rebelle.

Miriam Coronel-Ferrer est diplômée en philosophie à l’Université des Philippines Diliman. Elle est également titulaire d’un master en études sur l’Asie de l’Est de l’Université du Kent à Canterbury. Ses années d’études aux Philippines sont marquées par la dictature répressive de Ferdinand Marcos, instaurée en 1972 avec l’adoption de la loi martiale. Elle s’engage ainsi dans le militantisme clandestin, et après la révolution philippine de 1986, elle oriente ses travaux de recherches autour de la résolution non violente des conflits et la consolidation de la paix. A partir des années 1990, elle participe à plusieurs missions internationales organisées par des organisations non gouvernementales (ONG) pour enquêter sur des violations des droits humains au Népal, au Cambodge, ou encore au Timor Oriental.

En 2005, elle fait partie des « Mille femmes pour la paix », une initiative menée par Ruth-Gaby Vermot-Mangold visant à déposer une candidature au Prix Nobel au nom de mille femmes engagées pour la promotion de la paix et de la dignité humaine à travers le monde. Quelques années plus tard, elle co-dirige avec d’autres femmes « fabricatrices » de paix la rédaction du National Action Plan on Women, Peace, and Security adopté en 2010 par le gouvernement Philippin. Les Philippines deviennent alors le premier pays en Asie à adopter un plan national sur les femmes, la paix et la sécurité, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité.

Son expertise sur la question des processus de paix la conduit à être désignée en 2012 par le président Benigno Aquino pour présider le comité de paix du gouvernement philippin pour les négociations de paix avec le Front Moro islamique de libération (FMIL). Depuis les années 1970, ce groupe rebelle musulman revendique la sécession de Mindanao, la deuxième plus grande île du pays, riche en ressources minérales et agricoles, et où vit une importante minorité musulmane, alors que 80% de la population du pays est catholique. La signature de l’accord global sur le Bangsamoro en 2014 marque donc un tournant majeur dans l’histoire du pays, puisqu’il entend mettre fin au conflit meurtrier qui affectait l’île depuis plus de 40 ans. De plus, du côté du gouvernement, trois des cinq signataires de l’accord de paix étaient des femmes, renvoyant ainsi un message fort pour la participation politique des femmes aux Philippines. De plus, pour la première fois dans le monde, une femme est à la tête de négociations de paix.

Le rôle de Miriam Coronel-Ferrer dans la résolution de ce conflit ne s’arrête pas en 2014, puisqu’elle est chargée de superviser la mise en place du mécanisme durant les deux années qui suivent la signature de l’accord. Par la suite, elle rejoint L’équipe de réserve de conseillers seniors en médiation (SBT) des Nations unies, dont la mission est de fournir des conseils techniques aux représentants des Nations unies engagés dans la médiation. En 2020, elle co-fonde le Southeast Asia Women Peace Mediators (SEAWPM), une plateforme pour réunir les femmes d’Asie du Sud-Est travaillant à la médiation, la négociation et la facilitation des processus de paix.

Ainsi, le parcours de Miriam Coronel-Ferrer est marqué par son engagement pour la résolution pacifique des conflits et à l’inclusion des femmes dans les processus de paix. Elle a elle-même fait l’expérience des obstacles pour les femmes qui persistent dans le monde de la médiation, notamment dans le cadre des pourparlers avec le FMIL, puisque le groupe s’est d’abord opposé à ce qu’elle occupe la position de présidente du panel. Sa contribution aux négociations a permis d’aboutir à un texte final qui prévoit des dispositions autour de la participation des femmes et la promotion de leur leadership dans les processus de transition. C’est son engagement continu sur ces thématiques au cours des dernières décennies qui lui a valu de recevoir en 2023 le Ramon Magsaysay Award pour son rôle de pionnière pour l’inclusion des femmes dans la consolidation de la paix.

Pour citer ce document :
Amélie Gubala Delahaye, "Miriam Coronel-Ferrer. Première femme négociatrice en chef au monde et activiste engagée pour la participation des femmes aux processus de paix". Portrait [en ligne], 19.02.2024, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/miriam-coronel-ferrer/