Maurice Strong, 7 décembre 2009. Philip McMaster / McMaster Institute for Sustainable Development in Commerce / www.sustainabilitysymbol.com, CC BY-NC 2.0.
Un homme d’affaires aux fondements du multilatéralisme environnemental
Adèle Tanguy étudie l’environnement et les relations internationales au sein du master de Politique Environnementale de Sciences Po Paris. Elle se spécialise notamment dans l’étude de la gestion des ressources naturelles transnationales et l’adaptation au changement climatique.
Maurice Strong nait le 29 avril 1929 à Oak Lake, au Canada. Portant très tôt un intérêt pour les Nations Unies, il connait sa toute première expérience dans la diplomatie internationale en 1947 en tant qu’Officier Junior à la Section Sécurité des Nations Unies.
De retour au Canada, il entame sa carrière dans le secteur privé au sein d’un cabinet de courtage. Il se spécialise notamment dans le secteur de l’énergie et des hydrocarbures, dans lequel il gravit les échelons jusqu’à devenir président de la Power Corporation du Canada.
C’est en 1966 que Strong intègre réellement le domaine de la coopération, lorsqu’il rejoint l’Agence canadienne de développement international. Cette expérience débouchera sur une succession de postes clés dans la diplomatie environnementale, dont notamment celui de secrétaire général de la Conférence des Nations unies sur l’Environnement de Stockholm entre 1970 et 1972. Son investissement pour la protection de la planète à l’échelle internationale se concrétise en parallèle par un rapport onusien qu’il cosigne en 1971, et qui rencontre alors un grand succès : « Only One Earth : The Care and Maintenance of a Small Planet ».
A la suite de la la Conférence de Stockholm de 1972, les engagements pris par les États membres de l’ONU pour la protection de l’environnement mènent à la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), basé à Nairobi, à la tête duquel Strong est nommé. C’est d’ailleurs à cette période et sous son mandat que l’idée de ‘protection de l’environnement’ émerge au sein des instances de coopération internationale et que la gouvernance mondiale de l’environnement s’institutionnalise.
En parrallèle de son implication pour la protection institutionnelle de l’environnement, son engagement international prend aussi la forme de participation via des organismes privés. Ainsi, el 1972, il prend part à la fondation Rockefeller, dont il devient administrateur et membre du comité exécutif.
Sa carrière reprend une dimension nationale en 1976, lorsqu’il est rappelé au Canada pour endosser le rôle de président de l’entreprise publique Petro-Canada, qu’il occupe jusqu’en 1978. Malgré son argument selon lequel c’est intégrant le monde des affaires que l’on peut orienter l’économie en faveur de la protection de l’environnement, ce retour vers l’industrie pétrolière lui vaut d’être critiqué par les franges les plus environnementalistes pour ses engagements paradoxaux, voire contradictoires.
Son action en faveur de l’environnement et le climat reste cependant une constante. En 1988, il participe à l’initiative de la fondation d’un organisme intergouvernemental d’experts chargés d’évaluer l’état des connaissances et prévisions sur la question du changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). L’année suivante, il est désigné secrétaire général du Sommet de la Terre, et préside ainsi la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, à Rio en 1992, qui donnera naissance à trois conventions dans le domaine de l’environnement : la Convention sur la diversité biologique, la Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et enfin la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC). La même année, il fonde le Earth Council dans le but de mobiliser et soutenir un réseau d’organisations de la société civile engagées dans la réalisation des objectifs du Sommet de Rio. En 1999, il prend la charge de remettre sur pieds l’Université pour la Paix créée dans le cadre des Nations Unies, ébranlée par une mauvaise gouvernance.
En 2005, tandis que Strong œuvre en tant que conseiller spécial du Secrétaire-Général des Nations Unies, Kofi Annan, sur la Corée du Nord, sa carrière diplomatique est ternie par le scandale du programme onusien « Pétrole contre nourriture », au travers duquel plusieurs personnalités internationales auraient été corrompues par le régime irakien de Saddam Hussein. Strong est accusé dans le cadre de l’enquête d’avoir accepté des pots de vins en encaissant en 1997 un chèque à son nom émis par banque jordanienne. L’homme d’affaire sud-coréen qui lui aurait remis le chèque a par ailleurs été reconnu coupable d’avoir tenté de corrompre des fonctionnaires des Nations Unies dans le cadre de ce scandale. Bien que plus tard, aucune preuve ne sera trouvée de son implication réelle dans le scandale, les accusations coïncident avec sa démission de l’ONU en 2005. Par la suite, il expliquera cependant cette démission par son impression de situation sans issue face à la Corée du Nord.
Il se retire alors officiellement de la scène internationale en Chine, continuant tout de même à coopérer informellement avec les Nations Unies. Il décède à l’âge de 86 ans le 28 novembre 2015 à New Edimburg, au Canada.
Adèle Tanguy, "Maurice Strong. Un homme d’affaires aux fondements du multilatéralisme environnemental". Portrait [en ligne], 09.05.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/maurice-strong/