Analyse comparée des politiques d’alliance de la France et de l’Allemagne (1991-2016)
Laurent Borzillo est docteur en science politique de l’Université de Montréal et de l’Université de Montpellier. Il est postdoctorant (Programme Ambassadeur de la DGRIS, Ministère des Armées) au sein du CEPEL de l’Université de Montpellier / chercheur détaché auprès de l’UQAM (Faculté de droit et de science politique) et du RAS (Réseau d’analyse stratégique).
Compte-rendu de la thèse de doctorat soutenue en 2020 (Université de Montréal et Université de Montpellier).
Depuis plusieurs mois et alors que la date de rendu approche, l’Union européenne (UE) – ses structures internes et ses États-membres – débat du document d’orientation stratégique que sera la boussole stratégique (Biscop, 2021). Couvrant diverses thématiques, les débats actuels sur la boussole stratégique portent également sur un projet de création d’une force de réaction rapide de l’UE d’un effectif de 5 000 militaires (Borzillo, 2021). Proposé quelques semaines avant le fiasco afghan de l’été 2021, ce projet vise une fois de plus à doter l’UE d’une capacité militaire conséquente en cas de crise semblable à l’Afghanistan.
Alors que plus de trente ans se sont écoulés depuis la création de la brigade franco-allemande (BFA) et plus de quinze années suite aux décisions ayant abouti à la création des groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE), eu égard au peu d’emploi – ce qui est un euphémisme en la matière – de ces deux forces expéditionnaires bi- et multi-nationales (Borzillo, 2020 ; 2021), il est quelque peu surprenant d’assister ainsi à ce projet. Sauf à supposer que les faiblesses des prédécesseurs de cette nouvelle force de réaction rapide n’aient été prises en compte, il est plus qu’optimiste de penser que cette dernière se révélera d’une quelconque utilité.
Certes cette prédiction peut être jugée pessimiste. Elle découle néanmoins des recherches menées dans le cadre de notre thèse de doctorat (Borzillo, 2020) portant justement sur la création et la mise en œuvre à la fois de la BFA, mais aussi des GTUE. Mené en cotutelle entre les universités de Montpellier et de Montréal et soutenue en 2020, notre thèse analyse les processus ayant conduit à la mise sur pied de ces unités militaires, mais également certaines des tentatives où ces unités faillèrent être enfin déployées, vu qu’exception faite de l’état-major binational de la BFA, aucune projection de force impliquant ces forces n’a eu lieu depuis leur création. Le but de notre thèse était ainsi d’apporter des éléments de réponses aux questions de recherche suivantes : pourquoi des États créent-ils des unités expéditionnaires « permanentes » ? Comment expliquer les caractéristiques retenues (cf. choix des partenaires pour les GTUE[1]Dans le cadre des GTUE, un GTUE peut être composé de troupes issues d’un seul Etat-membre ou au contraire de plusieurs pays (y compris non membre de l’UE).) pour celles-ci ? Pourquoi les tentatives d’emploi (c’est-à-dire de déploiement) de ces unités (en l’occurrence la BFA et les GTUE) n’ont-elles jamais abouti jusqu’ici ?
Analyser les positions de tous les États membres relatives aux groupements tactiques de l’Union européenne étant un défi impossible à relever au cours d’un simple doctorat, nous avons fait le choix de nous focaliser sur les cas d’étude que la France et l’Allemagne. Ceci nous a fourni la possibilité de comparer notre analyse avec une autre unité à vocation expéditionnaire, à savoir la brigade franco-allemande. Pour soutenir notre démonstration, tout en nous appuyant sur deux participations observantes[2]Une au sein de la Délégation aux Affaires Stratégiques du Ministère français de la Défense, l’autre auprès de députés sociaux-démocrates de la commission défense du Bundestag., nous avons fait le choix de recourir massivement à des entretiens semi-directifs (plus de 160), y compris en ayant recours à de l’analyse secondaire de données qualitatives en réutilisant des entretiens menés par une autre chercheuse dix ans avant nous (Deschaux-Beaume 2008 ; Borzillo et Deschaux-Dutard, 2020).
Rejetant les approches théoriques néoréalistes (Hyde-Price, 2006), celles liées aux cultures stratégiques s’inscrivant dans une interprétation constructiviste (Roussel, 2007) ou encore celle du design rationnel (Koremenos, Lipson et Snidal, 2001), nous avons eu recours dans cette recherche à un ensemble théorique proche des travaux menés par Juliett Kaarbo (Kaarbo, 2012 ; Kaarbo et Cantir, 2013) et s’apparentant à une forme atypique mêlant les 3 I (Palier et Surel, 2007). Concrètement, il s’agit d’une fusion de la théorie des rôles de Kal Holsti[3]Pour Holsti, au sein de tout État, plusieurs rôles sont toujours actifs et sont à l’origine des décisions variables prises par ceux-ci (Holsti, 1970) avec l’approche décisionnelle. Résumé à travers le schéma ci-dessous, celle-ci se fonde sur l’idée que les décisions étudiées sont des variables dépendantes découlant des variables indépendantes que constituent le(s) rôle(s) présent(s) au sein d’un appareil décisionnel. Ces rôles sont modérés par les arrangements institutionnels déterminant les acteurs[4]Pour nous, les acteurs sont en général des groupes d’individus exerçant au sein d’un même service administratif. Nous ne prenons pas en compte les actions et conceptions d’individus pris … Continue reading, ainsi que par les conflits et les rapports de force existants au sein des structures politico-militaires[5]Ces derniers sont d’ailleurs le fruit d’arrangements institutionnels, mais également à l’origine de certains de ces mêmes arrangements.. Ces deux éléments agissent telles des variables modératrices. En cas de décision ayant une portée institutionnelle, les décisions sont de plus influencées par des mesures antérieures. Ces mesures étant elles-mêmes dues à la domination de certains rôles, cette dépendance au sentier constitue de facto une variable médiatrice.
Bien que reposant essentiellement sur le concept de rôle, notre approche se distingue de l’utilisation originelle d’Holsti sur certains aspects toutefois. À l’instar de Juliett Karrbo, nous estimons que tous les rôles présents au sein d’un Etat ne sont pas forcément partagés par l’ensemble des acteurs des structures en charge des politiques étrangère et de Défense. En outre, même s’ils le sont, il est peu probable qu’ils soient hiérarchisés de la même manière. Recourant aux travaux de Tobias Koepf et Hans Maull (Koepf, 2013 ; Maull, 2014) pour décomposer les éléments constitutifs d’un rôle, nous sommes partis du postulat dans cette recherche que ceux-ci se composaient de trois échelles : un méta-niveau, un niveau d’objectifs et un niveau instrumental.
Compte tenu des cas d’étude choisis, à savoir la France et l’Allemagne, il convenait de spécifier les rôles présents au sein des appareils décisionnels et pouvant être revendiqués par les acteurs impliqués dans les décisions étudiées. À partir de la littérature scientifique existante (Borzillo, 2020, p. 66-72), nous sommes partis du postulat selon lequel trois rôles étaient présents de part et d’autre du Rhin : allié fidèle, promoteur du renforcement de l’Union européenne et puissance civile pour Berlin ; allié fidèle, promoteur du renforcement de l’Union européenne et grande puissance pour Paris. Selon nous c’est la présence variable de ces différents rôles portaient par les acteurs des décisions – tout aussi variables et changeants – qui expliquent les décisions prises relatives à nos objets d’étude. Cet aspect de notre approche théorique – le nombre potentiellement limité d’acteurs impliqués et leur variation entre les décisions – est d’ailleurs amplement confirmé par nos résultats. Ainsi, alors que nous avions identifié environ deux douzaines d’acteurs potentiels au sein de l’appareil décisionnel français et une trentaine pour son homologue allemand, entre quatre à douze acteurs seulement ont été impliqués en France selon les sujets abordés ; côté allemand ce nombre varie entre trois à treize.
Structurant notre thèse en sept chapitres dont quatre empiriques, au cours du chapitre 4 nous nous sommes focalisés sur les décisions ayant mené à l’évolution de la BFA entre 1992 et 1994. Par la suite nous avons analysé le processus décisionnel ayant mené à la création des GTUE (cf. chapitre 5) puis les décisions relatives aux partenaires choisis par la France et l’Allemagne dans le cadre de ces unités (cf. chapitre 6). Enfin, nous nous sommes concentrés dans le chapitre 7 sur les tentatives d’emploi de la BFA et des GTUE composés de troupes français et allemandes au cours des vingt dernières années.
Il ressort au final de notre recherche que l’évolution de la BFA en force expéditionnaire – réalisée lors de son incorporation à l’Eurocorps – est ainsi fortement due à un phénomène de dépendance au sentier et aux rôles dominants revendiqués par les rares acteurs impliqués dans le processus décisionnel. Ces rôles au nombre de deux en France et en Allemagne furent celui de promoteur du renforcement de l’Europe et celui d’allié fidèle (à l’égard de Paris pour Berlin et vis-à-vis de l’Allemagne pour la France). On retrouve d’ailleurs le même schéma explicatif lors de la création des GTUE (avec cette fois-ci, une forte dépendance au sentier vis-à-vis du format de la force de réaction rapide de l’OTAN et des caractéristiques du système français d’alerte dit « guépard ». Toutefois, contrairement aux discussions relatives à la BFA, certains acteurs revendiquèrent d’autres rôles lors des débats liés aux GTUE. Les rapports de force avec les autres acteurs leur étant défavorables, ceci explique pourquoi leur point de vue fut minoré, voire écarté. En France, ce fut le cas des divisions emploi et euratlantique ainsi que du chef d’état-major de l’Armée de Terre, qui au nom de l’efficacité opérationnelle – et donc du rôle de grande puissance – s’opposèrent en vain au projet. En Allemagne plusieurs services du ministère de la Défense se préoccupèrent avant tout du rapport de cette future unité avec l’OTAN. Celle-ci n’étant pas une menace pour la Nato Response Force, ils ne furent pas contre la proposition des GTUE, sans doute également eu égard au rapport de force en leur défaveur vis-à-vis des services de la chancellerie, qui eux soutenaient fermement l’initiative.
Venons-en au choix des partenaires au sein des GTUE. La sélection de la France et de l’Allemagne pour cas d’étude eut pour conséquence de comparer un pays ayant fait le choix de prendre un nombre élevé de partenaires (16 pour l’Allemagne) avec un autre pays ayant au contraire limité ses coopérations en la matière (7 pour la France). Au final de manière assez surprenante, les décisions quant aux partenaires pour les GTUE reposèrent qu’entre quelques mains seulement tant en France qu’en Allemagne. Dans les deux cas, les structures d’état-major[6]Divisions emploi et euratlantique de l’état-major des Armées ; Fü S III et Fü S V du Führungsstab der Streitkräfte. furent au cœur des décisions prises. Toutefois a contrario de Berlin, les choix de partenaires impliquèrent également côté français certains acteurs de la présidence de la République, ainsi que les dirigeants du ministère de la Défense. En France, c’est la présence – à travers les acteurs concernés – des rôles de promoteur de l’Europe de la Défense et de grande puissance, qui permet d’appréhender les raisons à l’origine du nombre limité de partenaires. La combinaison des rôles d’allié fidèle vis-à-vis de la France et de l’OTAN, ainsi que de promoteur du renforcement de l’Union européenne chez les acteurs allemands, explique quant à elle les seize partenaires de Berlin. Si on peut noter une absence d’opposition sur des propositions de GTUE, celle-ci ne dissimule pas les rapports de force entre services en vue d’accroître des compétences ou au contraire afin de défendre des prés carrés. Ceci révèle même la force relative de certaines règles informelles à l’origine des attributions en termes de fonctions et de compétences entre les acteurs des appareils décisionnels analysés. Enfin, les choix effectués des partenaires pour les groupements tactiques démontrent à quel point durant cette phase de mise en œuvre d’une politique, les décisions antérieures peuvent influencer les choix des acteurs, la dépendance au sentier étant manifeste à plus d’un titre dans le choix des partenaires.
In fine, il ressort des trois premiers chapitres, l’absence de prises de position s’inscrivant dans le rôle de puissance civile chez les acteurs allemands ayant pris part aux décisions et la faiblesse relative du rôle de grande puissance chez les acteurs français. Or ce constat change radicalement lors de l’étude des tentatives avortées d’emploi. Une des clés de ce changement réside dans l’intervention d’autres acteurs dans les processus décisionnels – acteurs pas ou peu présents lors des précédentes décisions – mais également compte tenu d’un rapport de force plus favorable à l’égard de certains services/acteurs dans le cadre de ces décisions.
Ainsi, sur sept occasions impliquant à chaque fois l’envoi de soldats français et allemands, il n’y eut que deux cas, l’Afghanistan en 2009 et la République Démocratique du Congo en 2006, où au moins les acteurs d’un des deux pays étaient majoritairement en faveur de l’emploi de ces unités. De manière générale, l’absence d’accord entre les acteurs issus des deux pays est due d’une part, à la prédominance en France du rôle de grande puissance sur les rôles de promoteur de la défense européenne et d’allié fidèle de Berlin. D’autre part ceci est la conséquence de la faible adhésion des acteurs allemands au rôle d’allié fidèle à la France et à celui de promoteur du renforcement de l’UE et de l’Europe, comparativement au rôle de puissance civile. Ce dernier restreint les velléités de déploiement au sein du ministère allemand des Affaires étrangères au profit de la recherche de solution dite politique et freine au sein de son homologue de la Défense les volontés d’intervention sur le continent africain et d’opérations impliquant des actions de haute intensité.
En conclusion, il ressort de notre recherche qu’en l’état actuel des choses, il est peu probable que la création d’une nouvelle unité expéditionnaire au sein de l’UE résolve d’emblée les difficultés récurrentes de l’UE à être un acteur de premier plan sur la scène internationale dotée d’une capacité militaire crédible. Bien que louable, la constitution d’une hypothétique culture stratégique risque par conséquent de se heurter à la persistance de certains rôles chez les principaux acteurs de la défense européenne au sein des États membres. À défaut de créer une culture stratégique commune, un travail sur les rôles présents au sein de certains acteurs clés dans les appareils décisionnels pourrait ainsi se révéler plus efficace et réaliste, du moins à moyen terme.
Notes
↑1 | Dans le cadre des GTUE, un GTUE peut être composé de troupes issues d’un seul Etat-membre ou au contraire de plusieurs pays (y compris non membre de l’UE). |
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↑2 | Une au sein de la Délégation aux Affaires Stratégiques du Ministère français de la Défense, l’autre auprès de députés sociaux-démocrates de la commission défense du Bundestag. |
↑3 | Pour Holsti, au sein de tout État, plusieurs rôles sont toujours actifs et sont à l’origine des décisions variables prises par ceux-ci (Holsti, 1970) |
↑4 | Pour nous, les acteurs sont en général des groupes d’individus exerçant au sein d’un même service administratif. Nous ne prenons pas en compte les actions et conceptions d’individus pris séparément telles que celles d’un chargé de mission pris isolément et travaillant au sein de la sous-direction affaires stratégiques du Quai d’Orsay. Ce sont l’ensemble des personnes travaillant au sein de cette sous-direction qui constitue à nos yeux un acteur exerçant potentiellement une influence sur les décisions étudiées dans notre thèse. Il y a cependant quelques exceptions à cette approche : les individus détenant un pouvoir conséquent du fait de leurs responsabilités, sont considérés comme des acteurs tels les ministres, les chefs militaires des armées, ainsi que les présidents de la République française ou encore les chanceliers allemands. |
↑5 | Ces derniers sont d’ailleurs le fruit d’arrangements institutionnels, mais également à l’origine de certains de ces mêmes arrangements. |
↑6 | Divisions emploi et euratlantique de l’état-major des Armées ; Fü S III et Fü S V du Führungsstab der Streitkräfte. |
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