Les chefs d’État et de gouvernement membres de la Francophonie se sont réunis les 4 et 5 octobre 2024 au Sommet de Villers-Cotterêts, symbole de l’institution internationale
Sohyeon Jeong est diplômée en Master Relations internationales parcours Francophonie, stratégie et Relations Internationales à l’université Jean Moulin Lyon III, et d’une licence en Science politique à l’université Lumière Lyon II.
Pour la première fois en trente-trois ans, la France a accueilli le XIXe sommet de la Francophonie, organisé sous le thème de « Créer, innover et entreprendre en français ». Cet événement bisannuel, qui a pour ambition de favoriser la création d’emplois pour les jeunes francophones à travers les cinq continents – représentant 321 millions de locuteurs, dont 51 % en Afrique – réunit les dirigeants pour définir les grandes orientations de la Francophonie et aborder les crises affectant ses membres. Les sujets sensibles n’ont pas échappé aux débats : la nature même de la Francophonie (organisation culturelle, politique, ou de coopération), l’absence des États sahéliens suspendus, tels que le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ainsi que les conflits au Proche-Orient.
« La Francophonie est un espace d’influence diplomatique »
Dans son discours inaugural, le président français Emmanuel Macron a réaffirmé les valeurs et les potentiels de la Francophonie vue comme un espace de partage, d’invention, de création et d’influence diplomatique. Il a appelé les acteurs francophones à « mieux lutter contre la désinformation, la propagation de la haine en ligne, lutter contre les discours de haine, les discours racistes, les discours antisémites ». Par ailleurs, cette vision d’une Francophonie influente sur la scène internationale ne demeure pas inaperçue, certains y voyant encore le prolongement de la colonisation française.
Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), a tenu à clarifier cette perception en déclarant lors de son discours : « La Francophonie n’est pas la Françafrique, elle n’est pas seulement hexagonale et ou africaine ». S’agissant des tensions entre la RDC et le Rwanda, le président Macron a souligné que « L’OIF doit jouer un rôle en soutien des efforts régionaux à ce titre ».
Les enjeux de la suspension des États sahéliens
Le Sommet a été marqué par l’absence des dirigeants sahéliens, notamment du Mali, du Burkina Faso et du Niger, pays historiques et fondateurs de la Francophonie. Face au maintien des régimes sahéliens issus de coups d’État, l’OIF cherche à renouer les liens avec la troïka au pouvoir sous les autorités militaires, tout en continuant de réclamer le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Contrairement au sommet de Djerba en 2022, l’OIF adopte un ton plus mesuré dans ses condamnations et réaffirme sa volonté de favoriser le dialogue en vue d’accompagner les régimes militaires vers une transition démocratique. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui ont récemment prolongé la durée de leur transition, sont actuellement suspendus des instances de la Francophonie à la suite des coups d’État survenus depuis 2020. Leur situation a été évoquée lors du discours d’ouverture de la secrétaire générale de l’OIF, qui a exprimé le souhait de les réintégrer au sein de l’organisation. La suspension de la Guinée a ainsi été intégralement levée le 24 septembre 2024 (soit quelques jours à peine avant la tenue du sommet), avec l’application d’un nouveau mécanisme d’évaluation et de suivi des transitions, impliquant un examen régulier selon des critères spécifiques. Mais la réintégration des membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), quant à elle, demeure âpre dans un contexte de rupture diplomatique avec la France et de rejet croissant des organisations multilatérales par ses membres.
La délicate convergence francophone sur la situation au Proche-Orient
La guerre israélo-palestinienne, qui s’étend désormais au Liban, l’un des membres fondateurs de la Francophonie, a été l’une des préoccupations du sommet. Avec près de 2500 victimes libanaises depuis octobre 2023, la situation a conduit l’OIF à publier une déclaration de solidarité au Liban, ainsi qu’une résolution sur les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de l’espace francophone, affirmant le soutien des chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie à l’intégrité territoriale des pays affectés. Cependant, bien qu’Israël soit mentionné comme « puissance occupante », la déclaration n’a pas exprimé une condamnation claire et ferme espérée par le ministre libanais de l’Information, Ziad Makary, en raison de relations étroites entre certains pays membres et Israël.
Sohyeon Jeong, "Le XIXème sommet de la Francophonie. Les chefs d’État et de gouvernement membres de la Francophonie se sont réunis les 4 et 5 octobre 2024 au Sommet de Villers-Cotterêts, symbole de l’institution internationale". Décryptage de l'actualité [en ligne], 26.10.2024, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/le-xixeme-sommet-de-la-francophonie/