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L‘Assemblée parlementaire de l‘OSCE

Palais de Hofburg
LE 01.03.2023

Palais de Hofburg, Vienne, où ont lieu les sessions d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. ©Emilija Pundziūtė-Gallois

Face à la guerre russe l’Organisation pour la sécurité et coopération en Europe à la recherche de son identité

Emilija Pundziūtė-Gallois

Emilija Pundziūtė-Gallois, docteure en science politique et relations internationales, est actuellement chercheure à l’Université Vytautas Magnus de Kaunas, Lituanie, et docteure associée au Centre d’Études et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques (CERSA) à Paris Panthéon-Assas. Elle est spécialiste en relations internationales, sociologie de la politique étrangère, action diplomatique, sécurité européenne et résolution des conflits avec un focus sur la Russie et sur la région baltique.

La 22e session de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE qui s’est tenue à Vienne le 23-24 février a été marquée par de grandes tensions diplomatiques. En ayant lieu à l’anniversaire de l’agression russe en Ukraine, le rassemblement des parlementaires des 57 pays membres de l’OSCE portait de fait une charge symbolique: non seulement il fallait continuer à chercher un moyen de rétablir une paix durable en Europe, soutenir les efforts de guerre de l’Ukraine et punir agresseur et responsables de crimes de guerre, mais il fallait aussi décider comment s’adresser à la délégation parlementaire russe, siégeant de plein droit avec les autres représentants.

L’OSCE est un de ces lieux désormais résiduels où les pays occidentaux peuvent parler avec la Russie (dans la mesure où on accepte d’appeler cela un dialogue). Depuis un an, les membres de l’Organisation, dont l’objectif est de protéger la paix et la sécurité en Europe, choqués par l’acte flagrant d’agression russe sur un pays voisin, ne cessent de déplorer dans les salles de réunion de Vienne, les atrocités de plus en plus nombreuses commises par l’armée russe sous la direction de Vladimir Poutine et de ses généraux. Les représentants russes quant à eux, construisent un discours de plus en plus cynique et faussé, en rejetant la responsabilité tantôt sur l’Ukraine, tantôt sur l’Occident. Les débats, directs, austères, souvent ironiques et sans raffinement, n’ont plus aucun caractère diplomatique : « nous avons ôté les gants de velours pour désormais littéralement nous battre », déclare une diplomate européenne mandatée à Vienne. Certains diplomates occidentaux, ne voyant aucun sens à écouter les diatribes de leurs homologues russes, se prêtent désormais régulièrement à des sorties de salle quand ces derniers prennent la parole.

Le problème est d’autant plus aigu à l’Assemblée parlementaire, du fait de la présence de délégués russes bien qu’ils soient sanctionnés par l’Union européenne. Lors des deux dernières sessions de l’Assemblée – en juillet 2022 à Birmingham et en novembre 2022 à Varsovie – les représentants russes se sont vu refuser le visa d’entrée par les autorités britanniques et polonaises, alors que pour la présente session, le ministère des Affaires étrangères autrichien a invoqué l’obligation faite par le droit international de mettre en œuvre les conditions permettant aux délégués des organisations internationales de participer aux réunions et, sur cette base, a admis les parlementaires russes. Cette décision a été critiquée par 19 pays membres de l’OSCE, dans une lettre adressée au gouvernement autrichien. Les délégations de Lituanie et d’Ukraine ont décidé de boycotter la réunion de l’Assemblée, considérant la participation de parlementaires ayant permis le déclenchement de la guerre et continuant à la soutenir, « moralement et politiquement inappropriée » (https://www.dw.com/en/osce-delegates-stage-walkout-during-russian-address/a-64794329) De nombreux autres délégués ont profité de l’occasion pour condamner la Russie, certains allant jusqu’à des mots forts sans la moindre résonance diplomatique: le représentant letton Richards Kols a ainsi repris la phrase légendaire des militaires ukrainiens de l’Ile Aux Serpents, prononcée à l’attention d’un navire de guerre russe https://eng.lsm.lv/article/politics/diplomacy/latvias-kols-doesnt-mince-his-words-at-osce-meeting.a497881/); d’autres ont quitté la salle lors du discours des parlementaires russes.

Faire un choix n’est pas facile : si maintenir un canal de communication relève d’un principe diplomatique fondamental (les diplomates se parlent même pendant la guerre), à l’opposé, le dialogue perd tout sens s’il sert à légitimer la partie qui bafoue les valeurs fondamentales ; dès lors, l’exclusion peut s’ériger en geste diplomatique communiquant un message ferme en défense de ces dernières. Or ce choix a priori justifié, se heurte à une contradiction pour l’OSCE: à savoir que ce forum, créé à l’époque de la guerre froide, visait fondamentalement la facilitation du dialogue entre les pays occidentaux et Moscou; en conséquence, si la Russie était exclue de l’Organisation, cette dernière en perdant ainsi son sens primitif, aurait-elle encore une raison d’exister ? Même si l’OSCE a su démontrer d’autres motifs d’utilité en sachant développer de nombreux instruments pour la résolution des conflits et la promotion de la démocratie, toutes questions toujours d’actualité sur le continent européen. Par ailleurs, si un jour il fallait renouer le dialogue avec Moscou, il serait difficile d’inventer un format autre que l’OSCE actuel.

 

Pour citer ce document :
Emilija Pundziūtė-Gallois, "L‘Assemblée parlementaire de l‘OSCE. Face à la guerre russe l’Organisation pour la sécurité et coopération en Europe à la recherche de son identité". Décryptage de l'actualité [en ligne], 01.03.2023, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/lassemblee-parlementaire-de-losce/