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Le statut de membre de l’OCS pour l’Iran

map Iran
LE 18.09.2021

L’élargissement régional de la nouvelle Asie

Pierre Chabal

Pierre Chabal est maître de conférences à Normandie Université.

Les faits

Probable pour l’Iran depuis 2005 ou du moins possible et ardemment sollicité par Téhéran à deux reprises, dès 2008 et bien sûr depuis 2010 lorsque l’OCS créée en 2001 adopte enfin des critères et une procédure pour examiner les candidatures au statut de membre à part entière de l’organisation, l’accession du pays le 17 septembre 2021 à ce statut lui confère surtout une politique étrangère enfin fixée en Asie, après son isolement par l’Occident en 1979 et son maintien à l’écart du Conseil de coopération du Golfe depuis 1981.

Certes, comme pour l’Inde et le Pakistan entre 2015 (admission de candidature) et 2017 (pleine adhésion), il faudra au moins une année pour que l’Iran jouisse des droits que confère cette pleine adhésion. Et en respecte aussi les devoirs, tels que posés par la Charte de St Pétersbourg (2002). Notamment la priorité envers la coopération avec les autres Etats membres (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Inde, Pakistan) : surtout la lutte contre le terrorisme international, le séparatisme territorial et l’activisme politique, mais aussi les logiques d’échanges commerciaux et culturels, et les investissements croisés.

L’analyse

C’est donc un Iran de qui est désormais exigé un alignement multilatéral progressif et durable sur l’OCS, voire irréversible (la procédure pour quitter l’organisation existe mais est au moins aussi complexe que l’article 50 du Traité de Lisbonne et doit suivre l’ambigüe règle du ‘consensus’ qui préside à toutes les décisions de l’OCS). Est-ce un prix excessif pour une sortie de l’isolement depuis 1979, certes déjà desserré en 2005 quand le pays devient Observateur de l’OCS et surtout 2015 lorsque l’Accord nucléaire avec l’Occident rend Tehran éligible à une pleine adhésion selon les critères adoptés par l’OCS en 2010 ?

2015 représente d’ailleurs une année-charnière plus signifiante encore pour la dynamique de ‘la coopération de Shanghai’ dans ‘la nouvelle Asie’. Trois ans après que la Turquie, membre de l’OTAN, est devenue ‘partenaire de dialogue’ de l’OCS (événement de 2012 largement sous-interprété en Occident), c’est en 2015 que l’Inde (par un revirement à 180° de sa politique attentiste envers l’OCS) et le Pakistan (désireux, lui, comme l’Iran depuis 2005, de la rejoindre comme membre) sont admis comme candidats. Alors que l’Occident brandit l’accord nucléaire iranien comme une victoire de l’Ouest, la ‘nouvelle Asie’ sino-postsoviétique (Turkménistan à part) continue son extension vers l’ouest. D’Iran en Inde par la mer, cela facilite les importations énergétiques de Dehli au sein d’un ‘Club de l’énergie de l’OCS’ suggéré par Moscou depuis 2005.

Ouverture

A peine cinq ans après (2015/17 : adhésion indienne et pakistanaise ; et 2021/22 : adhésion iranienne), dans un monde où le Moyen-Orient et le Golfe sont désignés comme ‘Asie de l’ouest’ selon la terminologie de la coopération de Shanghai, l’extension de la nouvelle Asie de l’Est, du Centre et du Sud, gagne donc vers le Golfe et la Méditerranée (après la Turquie, on évoque la Syrie et l’Egypte comme possibles ‘partenaires de dialogue’). Et puisque tout ‘élargissement’ a été double (un pays privilégié par la Chine, un autre par la Russie), il est probable que très vite la Biélorussie (ou l’Afghanistan – plutôt que la Mongolie ou un pays himalayen ou sud-est-asiatique) suive la même voie. L’après-guerre froide indifférencié n’appartient plus qu’à l’histoire. Le Grand jeu d’Asie est désormais centripète. –

Pour citer ce document :
Pierre Chabal, "Le statut de membre de l’OCS pour l’Iran. L’élargissement régional de la nouvelle Asie". Décryptage de l'actualité [en ligne], 18.09.2021, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/laccession-de-liran-a-lorganisation-de-cooperation-de-shanghai/