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La Suisse élue au Conseil de sécurité de l’ONU

Dès janvier 2023, la Suisse siégera pour la première fois de son histoire à la plus haute instance onusienne.

Massimo Pico

Massimo Pico est étudiant à l’Université de Lausanne en master de science politique et spécialisé en relations internationales. La sociologie politique des organisations internationales, la diplomatie multilatérale et les questions de sécurité constituent ses principaux domaines de recherche. Ses travaux portent notamment sur les membres élus et les petits États au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

Un résultat sans appel

Le 9 juin dernier, la Suisse a été élue par l’Assemblée Générale des Nations Unies au poste de membre non-permanent du Conseil de sécurité. Le résultat du vote est sans appel, puisque 187 États membres sur un total de 192 votants lui ont accordé leur voix. Ce score est largement supérieur aux deux tiers requis par l’Assemblée pour une telle élection, à savoir 129 voix. L’obtention de ce siège constitue une grande première pour la Suisse, vingt ans seulement après son adhésion à l’ONU.

La Suisse rejoint ainsi Malte, l’Équateur, le Japon et le Mozambique, élus le même jour. Tous les cinq débuteront leur mandat le 1er janvier 2023 et resteront en fonction jusqu’au 31 décembre 2024, avant de passer le flambeau à de nouveaux membres élus. La Suisse occupera vraisemblablement la présidence tournante du Conseil de sécurité au mois de mai 2023 et mettra à l’agenda la thématique de la protection des civils.

L’élection de la Suisse : une formalité ?

Étant donné qu’elle était avec Malte la seule candidate pour les deux sièges de la région « Europe occidentale et autres États », ce vote pouvait apparaître comme une formalité. Pourtant, ce succès n’a été rendu possible que par un long travail, débuté par la consultation de ses institutions en 2007 déjà, alors que des oppositions internes se dressaient contre cette candidature. En 2011, la Suisse a officiellement déposé sa demande auprès du Conseil, anticipant la longue campagne à venir auprès de ses partenaires multilatéraux.

Pour rallier ces derniers à sa cause, la Suisse a fait campagne autour du slogan « Un plus pour la paix » et placé au centre de son discours cinq engagements prétendant fonder sa légitimité internationale : « l’humanité, le développement durable, le multilatéralisme, l’innovation et la paix ». En adéquation avec les enjeux complexes traités récemment par le Conseil de sécurité, la Suisse a également défini quatre priorités que sont la paix durable, la protection de la population civile dans les conflits armés, la sécurité climatique et le renforcement de l’efficience du Conseil.

La neutralité : un instrument de politique étrangère

Le dépôt de la candidature suisse au Conseil de sécurité n’a toutefois pas tari les nombreux débats internes. Ces dernières années, la démocratie semi-directe helvétique a continué de s’animer autour de la sacrosainte neutralité, que certains acteurs jugent incompatible avec un mandat au sein du Conseil de sécurité. Le gouvernement a d’ailleurs été invité à se positionner à ce sujet.

Dans un rapport publié en 2015, la position de l’exécutif est claire : selon la Constitution fédérale (article 2), la neutralité n’est pas une fin en soi, mais un instrument de politique étrangère permettant de protéger « l’indépendance et la sécurité du pays », en s’engageant « en faveur d’un ordre international juste et pacifique ». D’après les autorités suisses, participer au Conseil permettrait de défendre ses objectifs, à l’instar d’autres petits États neutres comme l’Autriche et la Suède qui ont mené leur mandat avec succès.

Préparer son mandat

Si la neutralité apparait pour la Suisse comme un avantage, la construction de sa position au sein du système multilatéral n’en demeure pas moins paradoxale. Alors qu’elle intégra la Société des Nations et qu’elle accueillit son siège à Genève au sortir de la Première guerre mondiale, elle refusa d’adhérer à l’ONU en 1945, ne la rejoignant qu’en 2002 à l’issue d’une votation populaire.

La Suisse peut néanmoins se prévaloir d’une riche expérience diplomatique et de ressources pouvant favoriser son intronisation au Conseil, à l’image de son réseau d’ambassades ou des financements accordés à l’ONU (plus de 100 millions de francs suisses en 2021). Elle a en outre augmenté ses effectifs diplomatiques, organisé des entrainements avec des think thanks et bénéficiera, dès le 1er octobre 2022, d’un statut d’observateur qui lui donnera accès à toutes les réunions du Conseil et de ses organes subsidiaires.

Pour citer ce document :
Massimo Pico, "La Suisse élue au Conseil de sécurité de l’ONU. Dès janvier 2023, la Suisse siégera pour la première fois de son histoire à la plus haute instance onusienne. ". Décryptage de l'actualité [en ligne], 22.09.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/la-suisse-elue-au-conseil-de-securite-de-lonu/