L’explosion “Baker”, suite à l’opération Crossroads, un essai nucléaire de l’armée américaine sur l’atoll de Bikini, Micronesia, le 25 juillet 1946. United States Department of Defense (either the U.S. Army or the U.S. Navy) Derivative work: Victorrocha (talk) / Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0.
Une conférence tributaire du contexte international
Adèle Appriou est étudiante au sein du master Paix, action humanitaire et développement de Sciences Po Lille, spécialisé dans l’étude de la gestion de conflits et des questions de développement.
La soixante-dix septième Conférence annuelle du désarmement — seule instance multilatérale de négociation portée sur la thématique de la réduction voir de la destruction des armes nucléaires, chimiques et biologiques — s’est clôturée en Septembre 2022 par l’adoption d’un rapport destiné à l’Assemblée Générale des Nations Unies après trois ans d’interruption.
La Conférence annuelle du désarmement a été instituée en 1978 par la première Session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement (SED), succédant au Comité des dix puis des dix-huit puissances sur le désarmement et à la Conférence du Comité de désarmement. La Conférence et les instances qui l’ont précédé ont institué des traités fondateurs et des accords multilatéraux de premier plan comme le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (1968), le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (1996) ainsi que la Convention sur les armes chimiques (1993), seul texte opérationnel et modèle du désarmement multilatéral.
Les soixante-cinq États membres, incluant les puissances nucléaires, ont participé aux négociations durant vingt-quatre semaines de travail réparties sur trois sessions, rejoints par des États observateurs dans une logique d’inclusivité des instances multilatérales. Conformément au principe de rotation de la présidence, les sessions ont été successivement présidées par la Chine, la Colombie, Cuba, la République populaire démocratique de Corée, la République démocratique du Congo et l’Équateur. La soixante-dix septième édition de la Conférence a été présidée par Mme Tatiana Valovaya, Secrétaire générale de la Conférence du désarmement, Représentante personnelle du Secrétaire général de l’ONU à la Conférence et première femme Directrice générale de l’Office des Nations Unies à Genève.
Un contexte tendu
Dans un contexte de tensions liées aux armements, notamment avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie au cours de la première session de travail, la Secrétaire générale a débuté la Conférence en rappelant la nécessité du multilatéralisme et de la diplomatie dans l’architecture du désarmement et de la non-prolifération. De nombreuses délégations comme celle des Etats-Unis ou de l’Ukraine ont d’ailleurs saisi cette instance pour condamner la guerre menée par les forces militaires russes malgré la dénonciation de la délégation russe d’une tentative de politisation des discussions. Les capacités de négociation et de délibération de la Conférence sont ainsi conditionnées par les réalités politiques de la situation internationale.
L’ordre du jour de cette édition, adopté par la Conférence en tenant compte des recommandations de l’Assemblée générale, portait sur tous les enjeux relatifs à la limitation des armements exploitables à l’échelon multilatéral tels que l’interruption de la course aux armements nucléaires, notamment dans l’espace extra-atmosphérique ; la prévention d’une guerre nucléaire ; le développement d’accords internationaux pour protéger les Etats non dotés d’armes nucléaires et d’un programme global de désarmement ; la nécessité de transparence dans le secteur de l’armement ainsi que l’étude des nouveaux types d’armements.
Un consensus difficile à atteindre
Malgré les difficultés liées au fonctionnement de la conférence sur la base de la règle du consensus, les États membres sont parvenus à adopter la décision CD/2229, établissant cinq organes subsidiaires chargés de faire adopter des rapports sur les différents points à l’ordre du jour. Néanmoins, la Conférence a, comme depuis vingt ans, fait face à une paralysie structurelle ne lui permettant pas d’atteindre un consensus sur son programme de travail, comme l’ont relevé les délégations françaises, équatoriennes et cubaines. Finalement, seuls les rapports présentés par les organes subsidiaires trois et cinq, portant sur “la prévention d’une course aux armements dans l’espace” et sur “les nouveaux types et systèmes d’armes de destruction massive et armes radiologiques, le programme global de désarmement et la transparence dans le domaines des armements”, respectivement coordonnés par l’Ambassadeur Franck Tressler Zamorano du Chili et l’Ambassadeur Aleksandr Pitalev du Bélarus, ont été adoptés par consensus.
Les tensions et menaces nucléaires qui planent sur les relations internationales telles que l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les tensions autour de Taïwan ainsi que les frappes nord-coréennes réveillent la nécessité d’une coopération en matière de désarmement et de non prolifération. Néanmoins, plus le contexte de sécurité est conflictuel, plus les Etats tendent à attacher de l’importance à leur sécurité et à être frileux d’en réduire les composantes. La Conférence du désarmement est ainsi largement tributaire du contexte international.
Adèle Appriou , "La conférence du désarmement (2022). Une conférence tributaire du contexte international". Décryptage de l'actualité [en ligne], 21.10.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/la-conference-du-desarmement-2022/