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Henry Dunant

LE 14.08.2023

Archives CICR (DR) / photographe inconnu / 1855 / Henry Dunant a 27 ans lorsqu’il fonde des “Unions chrétiennes des Jeunes Gens” à Paris / V-P-HIST-00018.

Fondateur de la Croix-Rouge française et premier prix Nobel de la paix

Roxane Michel

Roxane Michel est étudiante au sein du master Paix, action humanitaire et développement de Sciences Po Lille, spécialisé dans l’étude de la gestion de conflits et des questions de développement.

Mots clés :  Portrait   Conflit   Croix Rouge   droit international   Santé   Suisse 

Henri Dunant est né en Suisse le 8 mai 1828. Ses parents sont engagés dans de nombreuses actions de bienfaisance, notamment en faveur d’orphelins, d’anciens criminels et de malades. Henri Dunant rencontre donc très jeune des valeurs de responsabilité sociale et de solidarité, valeurs renforcées par l’influence de la religion. Protestant calviniste, il fonde une section de la Young Men’s Christian Association à Genève.

Professionnellement, Henri Dunant s’oriente vers le milieu des affaires et le secteur bancaire. Il exploite notamment de grands terrains en Algérie sur lesquels il tente de faire construire des moulins. Ne parvenant pas à obtenir d’accord pour exploiter les cours d’eau de ces terrains, il porte sa requête directement auprès de Napoléon III. L’empereur français se trouvait alors en Italie, tentant de libérer le pays occupé par l’Autriche. Dunant part donc à Solférino, à sa rencontre. Cette décision représente le tournant le plus décisif de sa vie. 

La bataille de Solférino, tournant majeur de son oeuvre

Henri Dunant arrive à Solférino le 24 juin 1859, le jour d’une des batailles les plus violentes et meurtrières du XIXème siècle, en raison des premières utilisations d’armes modernes. Il découvre avec effroi les quelque 38 000 blessés et morts qui se trouvent toujours sur le champ de bataille, sans recevoir aucune assistance. Profondément marqué par ces scènes, il organise alors spontanément l’assistance aux victimes, en mobilisant les habitants des alentours. Il permet aux défunts d’être enterrés correctement et improvise un hôpital pour les blessés. De cette expérience vont naître l’organisation de la Croix Rouge et la première Convention de Genève, étapes fondatrices dans la coopération internationale et la diplomatie en faveur d’un droit international humanitaire. Pourtant, Henri Dunant connaît par la suite de nombreuses difficultés. Trop occupé par ses activités humanitaires, il néglige ses affaires et connaît alors la faillite et le scandale dès 1867. Évincé du comité de la Croix-Rouge, la fin de sa vie sera solitaire. Il meurt le 30 octobre 1910.

L’aide humanitaire au fondement de la coopération internationale dans les conflits armés

Suite à sa découverte du champ de bataille, Henry Dunant formule des idées profondément modernes et révolutionnaires pour son époque. Il s’agit ici de reconnaître l’inévitabilité des conflits armés, en admettant la nécessité de réduire la souffrance des soldats pour garder une part d’humanité. Ce constat est la base du droit international humanitaire, et se traduit par plusieurs principes exposés dans l’ouvrage Un souvenir de Solférino, publié par Henry Dunant en 1862. Parmi ces principes, il estime qu’un soldat blessé qui ne peut plus combattre ne doit plus être considéré comme militaire ou soldat ennemi, mais comme une personne hors de combat qui doit pouvoir recevoir les soins requis. Ce principe de neutralité, selon lequel il faut apporter une aide à toutes les populations, sans faire de distinction, est central dans les Conventions de Genève. Ce principe est aussi étendu au personnel médical. 

Une autre idée majeure apparaît dans ses écrits : la création de sociétés de secours pour venir en aide aux blessés. Il suggère pour la première fois une participation de la société civile organisée aux conflits et à la réduction de leur impact. Certains y voient ici les prémisses du concept d’ONG.

Ainsi, Dunant voyage en Europe après la publication de son ouvrage pour rallier des dirigeants à sa cause. Il parvient à créer à Genève une commission pour traiter de ces questions : le Comité International de secours aux militaires blessés, désigné dès 1863 sous le nom de Comité International de la Croix-Rouge. Cette Commission invite plusieurs États à une conférence diplomatique en 1864, qui aboutit à la signature de la Première Convention de Genève, instituant la Croix-Rouge comme organe permanent.

Parmi ses autres réalisations, Dunant instaure, après la guerre franco-prussienne de 1870, le port d’une plaque d’identité permettant d’identifier les morts. Celle-ci permet de redonner une dignité aux soldats défunts. Il œuvre également à l’amélioration du sort des prisonniers de guerre.

Une contribution humanitaire pérenne

Dunant fut donc le premier à théoriser le droit des conflits armés. Ce droit est d’autant plus crucial que les conséquences des conflits armés vont progressivement dépasser la sphère militaire et toucher les civils, dont la protection va être instaurée avec les conventions de Genève suivantes. Le principe de non distinction de l’aide formulé par Dunant va donc s’étendre à d’autres catégories de populations touchées par la violence des conflits. Les sociétés de secours dont il a initié la création contribuent aujourd’hui à aider les populations à lutter contre les atrocités engendrées par les conflits armés. Pour son travail, il reçoit le premier prix Nobel de la Paix en 1901.

Bien que sa portée soit internationalement reconnue, le droit humanitaire n’a pas été suffisamment mobilisé dans les décennies suivant sa création et reste inégalement appliqué aujourd’hui. Seulement 16 États étaient signataires de la première convention de Genève, ce qui limite sa portée. De même, ce cadre juridique ne suffira pas pour protéger les nombreuses victimes des deux guerres mondiales au XXe siècle. Encore aujourd’hui, de nombreuses violations du droit international humanitaire sont à noter.

Pour citer ce document :
Roxane Michel, "Henry Dunant. Fondateur de la Croix-Rouge française et premier prix Nobel de la paix". Portrait [en ligne], 14.08.2023, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/henry-dunant/