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Communauté politique européenne

Conseil de l'Europe
LE 19.10.2022

Conseil de l’Europe, © Benjamin Boutin.

Quid du Conseil de l’Europe ?

Benjamin Boutin

Benjamin Boutin est chercheur associé à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe et Président d’honneur de Francophonie sans frontières.

Fondé en 1949, le Conseil de l’Europe rassemble 46 États, de Nuuk (Groenland, Danemark) à Bakou (Azerbaïdjan). Volodymyr Zelensky s’adresse aujourd’hui à l’Assemblée parlementaire de cette organisation paneuropéenne méconnue du grand public, dont l’Ukraine est membre. Trente-trois ans auparavant, en 1989, Mikhaïl Gorbatchev exprimait devant cette même assemblée sa volonté d’un rapprochement de la Russie avec l’Europe. Les temps changent.

Depuis le 16 mars dernier, la Russie est exclue du Conseil de l’Europe qu’elle avait rejoint en 1996. Moscou a fait savoir par voie de presse que « les pays hostiles de l’UE et de l’OTAN continuent de détruire l’organisation et l’espace juridique commun en Europe ». La Russie est devenue « une menace pour l’Europe des valeurs démocratiques », selon le président de la Confédération suisse Ignazio Cassis, qui appelle à donner au Conseil de l’Europe « un nouvel élan politique ».

Il faut dire que l’organisation apparaît marginalisée. Au Sommet de Prague, le 6 octobre dernier, le lancement de la Communauté politique européenne (CPE) s’est fait sans elle. Sa Secrétaire générale n’a pas été invitée, ni du reste l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Comment expliquer la marginalisation de cette organisation qui œuvre depuis 70 ans à la coopération et au dialogue paneuropéens, dans les mêmes États que ceux de la CPE ?

Le Sommet de Prague a porté sur d’autres enjeux que la protection des droits de l’homme, de la démocratie et de l‘État de droit, mission fondamentale du Conseil de l’Europe. Celui-ci « ne fournit peut-être pas la meilleure plateforme pour évoquer les questions stratégiques, énergétiques ou infrastructurelles comme le souhaite la CPE, mais la liste de ses membres justifie d’en faire au moins l’un des interlocuteurs, si ce n’est l’un des piliers », considère la journaliste Anne-Camille Beckelynck. La raison d’être du Conseil de l’Europe s’en trouve-t-elle remise en cause ?

Comme d’autres structures multilatérales fondées au sortir de la Deuxième guerre mondiale, le Conseil de l’Europe doit se réformer pour être plus pertinent, utile et efficace dans le monde d’aujourd’hui. L’organisation n’a pas réussi à structurer les « États-Unis d’Europe » qu’appelait de ses vœux Winston Churchill. La « maison commune » des valeurs démocratiques est fissurée en Turquie, en Azerbaïdjan, en Hongrie et dans d’autres pays membres. Moins intégrée et moins financée que l’Union européenne avec laquelle on la confond souvent – et qui s’est élargie en membres et en compétences au fil du temps -, la doyenne des organisations paneuropéennes se cherche une voie.

Un rapport sur son avenir vient d’être publié. Le Président de la République d’Irlande plaide pour l’intégration de l’organisation dans une architecture multilatérale plus vaste, à la sortie du conflit russo-ukrainien. Le Président suisse suggère l’organisation d’un 4ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe, une manière de ramener l’organisation au centre du jeu.

Le Conseil de l’Europe n’a pas dit son dernier mot. Son assise géographique (46 pays membres, bien au-delà des 27 de l’UE) en fait une organisation précieuse pour la coopération paneuropéenne. Il dispose d’atouts : la Cour européenne des droits de l’homme, juridiction qu’il a créée ; sa Commission de Venise sur les questions constitutionnelles ; son Assemblée parlementaire ; sa conférence des OING, qui pourrait voir son rôle de pression sur les gouvernements renforcé.

Ce qui manque à l’organisation pour soutenir dans la durée sa noble mission serait peut-être un travail plus approfondi d’éducation et de diffusion d’une culture des droits de l’homme et de la démocratie auprès des populations. Toutefois, la force de cette institution est de savoir élaborer et négocier un large éventail de normes, de chartes et de conventions internationales. Gageons que le multilatéralisme de demain aura besoin de son expertise…

Pour citer ce document :
Benjamin Boutin, "Communauté politique européenne. Quid du Conseil de l’Europe ?". Décryptage de l'actualité [en ligne], 19.10.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/communaute-politique-europeenne/