La déléguée suédoise Mme Myrdal à la conférence de Genève sur le désarmement, 1966. Archives nationales néerlandaises, La Haye, Collection de photos Agence générale de presse néerlandaise (ANEFO), 1945-1989 / Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0 NL.
Militante pour le désarmement nucléaire
Laure Moncuit est étudiante au sein du master Paix, action humanitaire et développement de Sciences Po Lille, spécialisé dans l’étude de la gestion de conflits et des questions de développement.
Défenseure du bien-être social
Alva Reimer Myrdal est une femme politique, sociologue et diplomate suédoise née en 1902. Elle est impliquée dans la construction d’un État-providence en Suède dans les années 1930. Ainsi, en 1934, elle publie The Crisis in the Population, avec son mari Gunnar Myrdal, qui devient une contribution majeure dans la promotion du bien-être social. Les années 1930 sont également marquées par la participation de la sociologue à la résolution des problèmes de logement et d’éducation. Elle publie alors Urban Children en 1935 au sein duquel elle prône une vision radicale pour l’époque : des réformes économiques et sociales prônant la mise en place d’un réseau de crèches et des allocations familiales pour réduire les inégalités dès le plus jeune âge.
Par la suite, Alva Reimer Myrdal est nommée à la commission gouvernementale sociale-démocrate sur l’aide internationale d’après-guerre et la reconstruction en 1943. Cette nomination l’amène à se concentrer sur les questions internationales après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, entre 1949 et 1950, elle dirige la section de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) traitant de la politique sociale.
Un engagement pour le désarmement nucléaire
Sa plus grande contribution au multilatéralisme concerne sa participation à la conférence de l’ONU sur le désarmement à Genève entre 1962 et 1973 au sein de laquelle elle représente son pays. Pour ses apports et son travail sur la question du désarmement, elle reçoit le prix Nobel de la paix en 1982, conjointement avec le diplomate mexicain Alfonso Garcia Robles.
Ce prix Nobel de la paix lui a été décerné pour le rôle qu’elle a joué durant les négociations de Genève dans le contexte de la Guerre Froide. Au-delà des blocs de l’Ouest et de l’Est, un troisième a émergé : le Tiers-Monde, représenté par les Non-Alignés. Ce mouvement a été créé lors de la conférence de Bandung en 1955 afin de promouvoir la solidarité entre les pays du Tiers-Monde. Ainsi, Alva Reimer Myrdal, bien que ressortissante suédoise, s’est positionnée en cheffe de file des pays non-alignés pour faire pression sur les Etats-Unis et l’URSS dans les négociations sur le désarmement. Ces négociations visent à restreindre les armements dans le but de prévenir les conflits. Au sein de ces négociations, la diplomate suédoise a dû faire face aux réticences des deux superpuissances qu’elle a regroupées dans son ouvrage : The game of disarmament publié en 1976. En parallèle, elle a également participé à la création de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) en 1966. Celui-ci mène des recherches sur les conflits, le contrôle des armes et le désarmement, et fournit des données et des recommandations aux décideurs politiques.
Au sein de son parti, Alva Reimer Myrdal devient ministre social-démocrate du désarmement nucléaire et promeut une zone dénucléarisée nordique durant les années 1970. Elle a alors joué un rôle important au sein du débat sur le désarmement durant la Guerre Froide et exerce, encore aujourd’hui, une influence sur les débats. Ainsi, les négociations auxquelles elle a participé se sont conclues par la création de la Conférence du Désarmement en 1979. Il s’agit d’une instance multilatérale dans le domaine du désarmement. Grâce à son apport, les pays du Tiers-Monde ont pu obtenir une certaine place au sein des négociations. Ces dernières ont notamment permis l’adoption d’accords multilatéraux sur la limitation des armements tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) conclu en 1968.
Les limites du désarmement
Comme l’a démontré la diplomate suédoise dans The game of disarmament, les apports des négociations sur le désarmement à Genève ont pu être décevants. Ainsi, concernant le TNP, certains pays susceptibles d’acquérir l’arme nucléaire ne l’ont pas ratifié tels qu’Israël ou le Brésil. Cette non-ratification remet donc en question l’universalité du traité et des négociations. Cet « échec » est lié à de nombreuses raisons : la diversité des intérêts des Etats concernés, l’enjeu important concernant la sécurité nationale de chaque Etat et la détérioration du contexte international dans les années 1970 après plusieurs années de détente. En outre, les pays non-alignés qui ont refusé de ratifier les traités se sont opposés à des négociations ne remettant pas en question la répartition du pouvoir à l’échelle internationale.
Aujourd’hui, dans un contexte de multiplication des conventions régissant le droit des conflits armés, certains chercheurs ont mis en évidence la création d’un organisme international qui serait chargé du contrôle de l’arme nucléaire. Cet organisme permettrait alors de dissuader les Etats d’acquérir l’arme nucléaire ou de refuser de renoncer à celle-ci. Cependant, cette idée pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, dans un contexte d’insécurité internationale forte, peu d’Etats seraient favorables à renoncer à l’avantage qu’ils possèdent grâce à l’arme nucléaire. Ensuite, un tel organisme implique l’accord de l’entièreté des Etats, chose difficile à obtenir sur un sujet si délicat. Enfin, la création d’un organisme international impartial serait impossible. En effet, sa mise en place impliquerait un nouveau rapport de force entre pays en voie de développement et pays développés car ces derniers auraient un monopole sur la direction de cet organisme. Les problèmes auxquels a dû faire face Reimer Myrdal sont donc toujours d’actualité concernant la question du désarmement nucléaire.
Laure Moncuit, "Alva Reimer Myrdal. Militante pour le désarmement nucléaire". Portrait [en ligne], 31.07.2023, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/alva-reimer-myrdal/