Louise Mushikiwabo, Secretary General of the Organisation Internationale de la Francophonie. Igobruce / Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0
Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie
Louis Khatchadourian est diplômé d’un master en Relations Internationales de l’Université Jean Moulin Lyon III. Il a suivi le parcours Francophonie, Stratégies et Relations Internationales en lien avec l’Institut International pour la Francophonie (2IF).
Née en 1961 dans un Rwanda où les séquelles de la colonisation belge se font encore sentir, Louise Mushikiwabo suit des études d’anglais qu’elle poursuit aux Etats-Unis en 1990. Elle assiste depuis l’étranger aux exactions et aux massacres, dont est victime sa famille. De cette expérience douloureuse, Louise Mushikiwabo en a tiré un livre, Rwanda Means The Universe en 2006, qui sert autant d’exutoire que d’une alerte sur la nécessité de prévenir les génocides.
Une « candidature africaine » pertinente pour les enjeux du continent
Elle intègre le gouvernement rwandais en 2008. Cette expérience politique lui permet de saisir plus en profondeur les défis considérables auxquels font face à la fois son pays mais plus encore le continent. Soutenue par les présidents Kagamé et Macron, elle devient la Secrétaire Générale de l’OIF en 2018. Emmanuel Macron estime qu’une « candidature africaine au poste de secrétaire générale de la Francophonie » a du sens et voit dans Louise Mushikiwabo « toutes les compétences pour exercer cette fonction ». En un sens, sa candidature sert également un rapprochement franco-rwandais souhaité par Paris. Soucieuse de la prospérité de l’Afrique, elle expose les priorités de sa mission au secrétariat général de la Francophonie : « les thèmes de la jeunesse et du plein emploi me tiennent particulièrement à cœur ». Mushikiwabo, en poursuivant les initiatives portées par Michaëlle Jean sur cette thématique, contribue à dépoussiérer une Francophonie longtemps déconnectée des jeunes générations. Le numérique, grand défi pour les pays africains, mais qui concerne tous les Etats membres, s’avère également essentiel pour la secrétaire générale. Numériser le continent, numériser l’espace francophone, c’est en définitive reconnecter les hommes, c’est rassembler pour davantage de coopération et d’ouverture.
Pour une « francophonie ouverte »
La Francophonie a indubitablement une relation fusionnelle avec la langue française. Pourtant, Louise Mushikiwabo poursuit une politique d’ouverture au multilinguisme en assumant une perspective inédite sur la langue hypercentrale que représente l’anglais. Contre toute attente, la secrétaire générale a défendu la décision des autorités rwandaises de se tourner vers l’anglais expliquant qu’il demeure la langue de « la technologie, de la recherche, des réseaux sociaux ». Louise Mushikiwabo incarne selon ses mots une « francophonie ouverte » qui ne se prive pas d’associer la langue française avec une pluralité d’autres langues. Cette démonstration d’ouverture prend sa source dans la conviction de régénérer la Francophonie par le décloisonnement linguistique. « Nous sommes dans un esprit de cohabitation et de collaboration avec d’autres espaces linguistiques. Pour moi, ce serait ne pas comprendre le monde d’aujourd’hui que de nous replier sur nous-mêmes » affirme-t-elle. C’est par la familiarisation avec les autres grandes aires géolinguistiques que le français perdurera et conservera ses qualités d’influence, d’universalisme et de fédération. Comme elle l’a expliqué lors de son discours d’ouverture au sommet de Djerba en 2022, « La Francophonie doit rester un trait d’union pour éviter que les tensions ne dégénèrent en conflits ».
Une francophonie confrontée à des crises politiques
De cette Francophonie décomplexée et solidaire, Louise Mushikiwabo espère en tirer de nouvelles opportunités. Dans ses priorités figure le fait de « relever le niveau de cette organisation sur l’échiquier mondial ». L’organisation francophone serait alors plus « attractive que jamais, en partie grâce à ce rôle politique ». Cependant, l’OIF s’avère moins politique qu’à l’époque des secrétaires Boutros-Ghali et Diouf. La secrétaire générale fait pourtant face à une résurgence de crises politiques et sécuritaires majeures auxquelles l’organisation n’apporte que peu de réponses. Que ce soit à travers les coups d’Etats ou les menaces qui portent sur l’intégrité territoriale de certains Etats membres, Louise Mushikiwabo est ramenée malgré elle à un impératif politique de la Francophonie. Ainsi, bien qu’ayant pris la mesure d’une Francophonie revenue aux sources techniques et culturelles, l’émergence de crises importantes a forcé la main à la secrétaire générale. Son souhait de redonner à l’organisation une fonction davantage politique est donc mis à contribution. Louise Mushikiwabo semble en avoir pris la mesure et entend affirmer une influence francophone multilatérale dans un monde fracturé par les crises et le repli sur soi.
Louis Khatchadourian, "Louise Mushikiwabo. Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie". Portrait [en ligne], 20.01.2025, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/louise-mushikiwabo/