Gro Harlem Brundtland at The Congress of the Norwegian Labour Party in 2007, Harry Wad / Wikimedia Commons, CC BY 2.5.
La mère du développement durable
Guillaume Hiller von Gaertringen est étudiant à SciencesPo Paris en Master de Politiques Environnementales à PSIA. Au cours de ses études il a pu se spécialiser sur les questions géopolitiques de la lutte contre le dérèglement climatique et notamment le financement de la transition écologique par le biais du secteur privé en tant que levier de développement sur le continent africain.
Gro Harlem Brundtland est une des figures féminines de la politique les plus emblématiques des dernières décennies. Cette femme politique norvégienne du parti travailleur est devenue un symbole qui a rapidement dépassé les frontières nationales de son pays. En Norvège, elle est surtout connue pour avoir été la première femme au poste de Première Ministre tout en instaurant le gouvernement le plus paritaire de l’Histoire de son pays avec un cabinet composé de huit femmes pour neuf hommes.
On peut se demander pourquoi elle est une figure clef de la politique environnementale internationale ; la réponse est simple. Gro Harlem Brundtland est à l’origine d’un terme devenu incontournable dans notre narratif contemporain : le « développement durable ».
Après avoir commencé sa carrière politique en tant que Ministre de l’Environnement, elle se place par la suite à la tête du parti travailleur pendant plus de dix ans, puis travaille pendant deux ans au sein de la Commission « Palme » qui acte pour le désarmement. Sa carrière prend une tournure internationale après avoir dirigé son pays en tant que Première Ministre pendant près d’une décennie entre 1981 et 1996. Cette longue période durant laquelle elle marque la politique de son pays est entrecoupée de trois ans durant lesquels elle sera à la tête de la « Commission Brundtland », la Commission Mondiale pour l’Environnement et le Développement.
En tant que Présidente de cette commission (de 1984 à 1987), Brundtland est à l’origine du rapport sur « Notre Avenir Commun », rapport qui posera les fondations pour l’organisation du premier Sommet de Rio en 1992 et, plus largement, du cadre de négociation de la CCNUCC.
Ce rapport inédit met en relation la croissance économique avec la protection de l’environnement et l’égalité sociale ; le concept de « développement durable » est né. En définissant ce terme comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (Nations Unies), Brundtland met en relation les concepts de pauvreté et de protection de l’environnement tout en concevant un rôle prépondérant à la femme comme moteur de changement. Dans l’idée, il est essentiel de relier le besoin des plus pauvres avec la problématique liée aux limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins et à venir.
C’est pourquoi Gro Harlem est une fervente défenseuse du multilatéralisme environnemental. En effet, elle est persuadée qu’il est indispensable que les pays trouvent des solutions communes au réchauffement climatique tout en adressant leurs problèmes individuels ; elle appelle donc à une « politique intérieure mondiale ». Elle prône l’importance de surpasser la vision de la politique dans laquelle l’intérêt de court-terme triomphe sur l’intérêt commun. Elle déplore le manque de solidarité mondial.
En outre, elle attache une grande importance au rôle de la société civile, aux ONG, aux institutions d’éducation, qui dans une mission éducative ont pour rôle de guider le monde dans une voie plus durable. « Ces changements dans les attitudes, les valeurs sociales, et les aspirations sur lesquels notre rapport insiste avec vigueur, vont désormais dépendre des campagnes d’éducations intensives, de débats publics et de la participation de tous et chacun » (Jacquemond).
Enfin, pour Brundtland, la Santé est le quatrième pilier du développement durable, qu’elle institutionnalise lors de son mandat en tant que Directrice Générale de l’Organisation Mondiale de la Santé (1998-2003). Une thématique qui est revenue au centre des débats publics avec la crise du Covid-19 est pour elle un axe central de son agenda à l’OMS dès le début des années 2000. Brundtland est persuadée que la richesse et le bien-être d’une société dépendent de la santé de la population, contrairement à l’idée reçue que la croissance économique permette à une population d’être saine. Elle défend l’idée qu’il ne peut y avoir de dignité humaine si la Santé n’est pas perçue comme Droit de l’Homme basique.
En conclusion, Gro Harlem Brundtland est une figure clef de la politique environnementale internationale ; en tant que Présidente de la Commission Brundtland, Directrice de l’OMS ou encore femme politique en Norvège, elle a su marquer l’histoire et changer les paradigmes de nos sociétés. En déterminant le terme de développement durable et en le liant au rôle de la femme dans la société, l’importance de la Santé et la responsabilité partagée entre les pays de notre planète, elle a su marquer les esprits de manière durable. Brundtland représente aujourd’hui réellement un modèle dans notre société. Elle a marqué nos sociétés sur de nombreux aspects et défendu des valeurs plus que modernes, tout particulièrement dans un contexte de pandémie actuel ainsi qu’avec la montée en puissance de nombreux mouvements féministes.
Guillaume Hiller von Gaertringen, "Gro Harlem Brundtland. La mère du développement durable". Portrait [en ligne], 02.05.2022, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/gro-harlem-brundtland/