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AES-CEDEAO : Les sommets de juillet 2024

Quels lendemains pour l’Afrique de l’Ouest après les sommets de la CEDEAO et de l’AES ?

Abibatou Dabo

Abibatou Dabo est diplômée en Master Relations internationales parcours Francophonie, stratégies et Relations Internationales à l’université Jean Moulin Lyon 3, et d’une licence à l’Université Gaston Berger (UGB) au Sénégal.

Le 28 janvier 2024, les nouveaux dirigeants du Burkina Faso (le capitaine Ibrahim Traoré), du Mali (le colonel Assimi Goïta) et du Niger (le général de brigade Abdourahmane Tiani) ont décidé « en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest. ». Cette décision élargit le fossé existant entre la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les trois États du Sahel central. Ce retrait est une étape supplémentaire après celui du G5 Sahel et la signature de la charte du Liptako-Gourma portant création de l’Alliance des États du Sahel (AES) le 16 septembre 2023.

Cette entreprise est une riposte, d’une part, face aux sanctions émises par la CEDEAO à l’encontre de ces trois États du fait des coups d’État perpétrés dans ces pays. Ce premier pas posé démontrait déjà un certain désaveu de ces nouveaux régimes face à la CEDEAO car l’organisation n’était plus crédible à leurs yeux. Et ceci se confirmera par les raisons avancées pour justifier leur retrait, car ils considèrent dans un communiqué conjoint du 28 janvier 2024 que « la CEDEAO, sous l’influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs, est devenue une menace pour ses États membres et ses populations dont elle est censée assurer le bonheur ». Cette rupture brusque, une fois actée, ne sera pas sans conséquence pour la zone ouest africaine.

Les principaux enjeux du retrait définitif des États de l’AES

Le départ annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger de l’organisation régionale ouest africaine risque de se faire sentir des deux côtés de la balance. Les défis majeurs de ce divorce pèsent surtout sur le côté économique et sécuritaire. L’espace CEDEAO favorise la libre circulation des biens, services et personnes : le retrait de ce privilège pour les trois pays constituera un handicap pour la bonne marche de leurs économies et la mobilité de leurs ressortissants dans la zone ouest africaine. Sur le plan sécuritaire, la lutte contre le terrorisme reste un des défis majeurs de la sous-région, notamment pour les pays de l’AES. Nonobstant que ce fléau soit au centre des préoccupations de leur alliance, il faut reconnaitre que la CEDEAO était aussi impliquée dans la stabilité et la lutte contre le terrorisme dans ces pays en vertu de sa fonction de gouvernance sécuritaire de la sous-région ouest africaine. Et au-delà du terrorisme, les autres défis sécuritaires tels que la criminalité transfrontalière sont des problématiques sérieuses à contrer et ceci nécessite une coopération et une collaboration soutenues entre les différents acteurs de la sous-région.

En effet, au vu des nombreux défis économiques, politiques et sécuritaires auxquels fait face la sous-région, l’heure devrait être non pas aux divergences mais plutôt à la convergence des forces pour un rayonnement de l’Afrique de l’Ouest.

Au demeurant, que faut-il retenir des deux sommets simultanés des deux entités ?

Vers un divorce acté ou une réconciliation ?

Vingt-quatre heures séparent les deux sommets de l’AES et de la CEDEAO, qui se sont tenus respectivement le 06 et le 07 juillet 2024. Si la CEDEAO tenait sa soixante cinquième session ordinaire, le sommet de l’AES constitue sa première session depuis sa création, et, indéniablement la situation entre les deux organisations était à l’ordre du jour dans les deux sommets. Les trois États de l’AES ont campé sur leurs positions et ont rappelé « la lourde responsabilité de la CEDEAO dans l’effritement » de leur relation. Ils envisagent également de renforcer leur coopération au sein de l’alliance sur tous les plans. Ils prévoient enfin de faire face aux incidences de leur retrait quant à la libre circulation des biens et des personnes, sans donner plus de détails.

De l’autre côté, la CEDEAO, au-delà de déplorer le recul démocratique dans ces pays, entend désormais négocier avec l’alliance pour renouer les liens. À cet effet, la Communauté a désigné le Président sénégalais et son homologue togolais comme facilitateurs de la CEDEAO dans les discussions avec l’AES. Dès lors, il est clair que les orientations des deux entités sont opposées, cependant l’espoir demeure dans les discussions qu’entameront les deux facilitateurs de la CEDEAO avec l’AES. Encore quatre mois avant l’effectivité du retrait de ces États, d’ici là tout se jouera avec les pourparlers et quelle que soit l’issue le plus important demeure une sortie de crise au profit des peuples et en faveur de la stabilité régionale.

Pour citer ce document :
Abibatou Dabo, "AES-CEDEAO : Les sommets de juillet 2024. Quels lendemains pour l’Afrique de l’Ouest après les sommets de la CEDEAO et de l’AES ?". Décryptage de l'actualité [en ligne], 23.09.2024, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/aes-cedeao-les-sommets-de-juillet-2024/