La directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement, Inger Andersen, participe à une formation sur la restauration écologique à destination des peuples autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta (Colombie), en mars 2022. UNEP / Flickr, CC BY-NC-SA 2.0
Une économiste au chevet de l’environnement
Zoé Cheli est collaboratrice de recherche au sein du Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation de l’Université de Lausanne.
Lorsqu’en 2019, Inger Andersen accède à la tête du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’organisation dont elle reprend les rênes connaît une période de difficultés majeures. Nommée par le Secrétaire-Général, Andersen prend ses fonctions un an à peine après que son prédécesseur, le norvégien Erik Solheim, a démissionné à la suite d’un rapport d’audit interne critique et de controverses au sujet de sa gestion. Les fragilités du PNUE, organisation dont la plus-value au sein des institutions onusiennes est questionnée depuis sa création, font l’objet d’une attention renouvelée. Mais cette économiste de formation possède une solide expérience technique et politique sur laquelle elle s’est appuyée durant ces cinq dernières années à la tête de ce qu’elle considère être « la conscience environnementale des Nations Unies ».
De l’humanitaire au leadership environnemental
Née au Danemark en 1958 et diplômée en 1982 d’un master en économie du développement à l’Université de Londres, Andersen débute sa carrière au Soudan comme professeure d’anglais au sein d’un programme de développement britannique. Dans un contexte de grave famine due à la sécheresse et exacerbée par l’émergence de la guerre civile, Andersen est embauchée en 1985 par Sudan Aid pour l’aide alimentaire. Elle intègre peu après le Bureau des Nations Unies pour la région Soudano-Sahélienne – actuel Global Policy Centre on Resilient Ecosystems and Desertification du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) – et se consacre aux questions relatives à la désertification et à la sécheresse. Forte de cette expérience, Andersen participe à la création puis accède en 1992 au poste de coordinatrice du fonds pour l’environnement mondial (GEF) du PNUD pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).
Après quelques années au PNUD, Andersen est recrutée par la Banque Mondiale où elle occupera différents postes dès 1999 avant de devenir vice-présidente du développement durable en 2010, et enfin vice-présidente pour la région MENA en 2011. Durant ces années, Andersen a notamment travaillé sur les enjeux de gestion durable des ressources en eau et d’hydrodiplomatie, et, en tant que chargée de la politique de durabilité de l’institution financière, elle a répondu du travail de la Banque en matière d’agriculture, d’environnement, d’énergie, de transport et de développement social et urbain. Elle a en sus supervisé la création d’un fonds multidonateurs pour le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) visant à renforcer la sécurité alimentaire mondiale.
En 2015, Andersen quitte le système onusien pour prendre la direction de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), poste qu’elle occupera jusqu’en 2019. Elle poursuit les efforts engagés en matière de conservation, notamment en promouvant le programme de la liste verte des aires protégées comme standard pour la protection des espaces, et participe à l’adoption de la nouvelle politique en matière d’égalité des genres de l’UICN, qui vise tant à renforcer l’égalité dans ses rangs qu’à reconnaître le rôle central qu’occupent les femmes dans les politiques de conservation afin de renforcer leur capacité d’action.
Conduire la mission du PNUE malgré les troubles
Au terme de son mandat à l’UICN en 2019, Andersen est nommée Directrice exécutive du PNUE. L’organisation connaît alors une période compliquée à la suite du mandat écourté d’Erik Solheim. Lors de sa prise de fonction, Andersen fait marche arrière sur certaines des réformes engagées par son prédécesseur et s’efforce de maintenir la poursuite de la stratégie 2018-2021 de l’organisation. La crise que traverse le PNUE expose une nouvelle fois la difficulté qu’éprouve le programme à définir et imposer son rôle au sein d’un système onusien dont la plupart des agences, et plus particulièrement le prédominant PNUD, sont aussi actifs sur les questions environnementales. Pour sa part, Andersen se veut pragmatique, et conçoit le PNUE comme une matrice mettant en cohérence dans une même stratégie les différentes problématiques environnementales, notamment représentées par les secrétariats des divers accord multilatéraux et organismes de recherche qu’elle héberge.
À la fin d’un premier mandat marqué par la pandémie de COVID-19 mais également par les cinquante ans du programme, la reconduction d’Andersen à la tête du PNUE a été l’occasion pour la Russie d’exprimer son désaccord quant à l’implication accrue du programme dans l’accompagnement des États membres face aux conséquences environnementales des conflits armés, et plus particulièrement quant au travail effectué avec le gouvernement ukrainien et la publication d’un rapport d’évaluation préliminaire. Arguant en faveur d’une plus grande diversité géographique parmi les directeurs des agences onusiennes et la possibilité pour les États membres de présenter des candidats alternatifs, la mission russe a ainsi déposé une proposition, ralliée par 13 autres États, qui s’est soldée par un vote à bulletin secret et la reconduction d’Andersen à 136 voix pour et 31 abstentions. Dans un contexte de polarisation des relations internationales et face à des difficultés d’obtention des fonds pour les projets du PNUE, ce nouveau mandat est un défi pour Andersen, qui devra s’efforcer de conserver l’environnement à l’agenda global pour parvenir à agir sur les piliers thématiques de la stratégie du PNUE – le climat, la perte de biodiversité et la pollution – qui constituent la « triple crise planétaire », matrice par laquelle le PNUE approche désormais les crises écologiques globales et leurs intersections.
Zoé Cheli, "Inger Andersen. Une économiste au chevet de l’environnement". Portrait [en ligne], 25.04.2024, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/inger-andersen/