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Multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale

LE 26.02.2024

Exercice militaire « Kwanza », rassemblant les forces armées des pays membres de la CEEAC, Angola, 2010. U.S. Army Southern European Task Force, Africa / Flickr, CC BY 2.0

États des lieux et défis

Balkissou Hayatou

Balkissou Hayatou est docteure en science politique, chercheuse associée au centre Thucydide.

Mots clés :  Journal du multilatéralisme   CEEAC   Conflit   paix   sécurité 

La gestion des richesses naturelles, minières et pétrolières constitue l’une des causes majeures des conflits en Afrique centrale. Dans l’ensemble, cette insécurité qui se manifeste sur les fronts terrestres et maritimes est marquée par la circulation des armes légères et de petits calibres. Les États sont confrontés aux pressions internes résultant des transitions politiques, des dérives irrédentistes, séparatistes et des actes terroristes d’une part, et, d’autre part, ils doivent ajuster leurs actions en fonction des procédures et des méthodes de travail des organisations internationales. C’est dans l’optique de remédier aux crises sécuritaires que les chefs d’États et de gouvernements ont entériné le 18 décembre 2019, le traité révisé de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Homologuée par le pacte de Lagos comme communauté économique régionale, la CEEAC a pris l’engagement de se conformer à l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine (APSA). Au regard des menaces persistantes et de l’instabilité des régimes politiques comment fonctionne le multilatéralisme sécuritaire et quels sont les défis à relever pour pacifier l’Afrique centrale ?

Au lendemain du 37e sommet de l’Union africaine tenu du 14 au 18 février 2024 à Addis Abeba en Éthiopie, le constat est sans appel : « L’insécurité persistante maintient le continent africain dans une très situation inquiétante » (Bankole Adeoye, 2024)[1]Affirmation du Commissaire Paix et sécurité de l’Union africaine, Bankole Adeoye lors de la conférence de presse le 18 février 2024 à Addis Abeba.. En Afrique centrale, le retrait progressif d’ici la fin de l’année 2024 de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) n’augure pas de jour meilleur pour les populations de l’est du pays. En plus de cette décision peu rassurante, la crise soudanaise a des répercussions sur le Tchad et la RCA confrontés à l’afflux des réfugiés. Tandis que le premier pays connaît une transition démocratique qui demeure fragile, le second est soumis à un embargo sur les armes prolongé par le Conseil de sécurité jusqu’au 31 juillet 2024. Aussi, l’instabilité de l’Afrique centrale révèle des dysfonctionnements dans les programmes et les projets de paix et sécurité. Expression de la mutualisation des efforts entre les membres d’une organisation internationale, le multilatéralisme repose sur la vision et la volonté des différents acteurs. L’effectivité de sa réalisation est soumise à deux conditions inaliénable et modifiable. La première tient compte de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, des principes de la réciprocité et de la non-discrimination, de la solidarité et de la coopération. La seconde requiert l’existence et le fonctionnement des organes et des institutions, la coordination des actions et enfin les moyens logistiques et financiers. Depuis la signature du traité révisé de la CEEAC le 18 décembre 2019, le multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale se caractérise par un ensemble d’interactions entre les États, les différents organes de la CEEAC, la société civile et les partenaires internationaux. Il repose sur les piliers institutionnels et opérationnels qui prennent en compte les activités du commissaire aux affaires politiques, paix et sécurité collective (CAPPSC), le conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (COPAX), le mécanisme d’alerte sur les crises (MARAC), les activités de la force multinationale d’attente en Afrique centrale (FOMAC) et la contribution du bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA).

La progression insuffisante du volet institutionnel et organique

Les processus et les moyens du multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale s’inscrivent dans le préambule de l’acte constitutif du Traité de la CEEAC. L’organisation sous régionale reconnaît les normes universelles de la Charte des Nations Unies. Après des années d’instabilités post-processus de démocratisation en Afrique, la CEEAC a signé la résolution A/RES/55/22 du 11 janvier 2001 relative à la coopération avec les Nations Unies. Une année plus tôt, elle obtenait le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies par résolution A/RES/55/161 du 12 décembre 2000. Avec l’Union africaine, la CEEAC manifeste son engagement dans la mise en œuvre de l’acte constitutif de l’UA, du traité d’Abuja, du plan d’action et de l’acte final de Lagos. Conformément au protocole instituant le conseil de paix et de sécurité de l’UA (CPS) et aux autres textes et dispositifs pertinents adoptés à l’UA, elle travaille pour la mise en place d’une politique étrangère de paix et de sécurité commune. 

À partir du positionnement de la CEEAC, il est question d’analyser la prise en compte et le traitement des questions sécuritaires en Afrique centrale. Sur le plan politique et institutionnel, elle comprend entre autres organes, la conférence des chefs d’États et des gouvernements, le conseil des ministres, la commission, les comités techniques spécialisés, le comité des représentants permanents et le comité inter-états d’experts. Les institutions sont incarnées par le parlement communautaire, la cour de justice, la Cour des comptes, les institutions financières et les institutions spécialisées. Dans la projection sécuritaire de la CEEAC, l’organe prééminent est la conférence des chefs d’États et de gouvernements. Elle pèse de tout son poids dans la vision stratégique de la région. Depuis la création de l’organisation, elle s’est réunie vingt-quatre fois en sommets ordinaires et huit fois dans le cadre des sommets extraordinaires. La conférence des chefs d’États et de gouvernements peut se tenir exceptionnellement à la demande d’un membre ou de deux tiers des membres. Pour atteindre leurs objectifs, les États membres de la Communauté partent du principe selon lequel, la sécurité régionale est liée à la gouvernance politique participative et à la stabilité politique. En ce qui concerne la gouvernance politique participative, elle contribue à la promotion de la démocratie et des droits de l’homme en Afrique centrale. Elle est effective grâce aux plateformes regroupant les organes responsables des élections, des droits de l’homme et le médiateur de la République. S’agissant de la stabilité politique, elle reste l’une des données nécessaires à la construction et à la création des instances nationales compétentes en matière de politique. Ainsi, la centralité des rencontres des ministres des Affaires étrangères et des ministres de la Défense n’est plus à démontrer. En effet, ces réunions ont pour objectif de préparer en amont les questions qui sont examinées par la conférence des chefs d’États et de gouvernements tout en orientant les décideurs dans la prise de décision. La conférence et la réunion ministérielle sont appuyées par les activités du président de la commission et le commissaire chargé des questions de paix et sécurité, des services techniques, des dispositifs opérationnels et des agences spécialisées. C’est dans cette lancée que la CEEAC coopère avec l’Union européenne, la banque africaine de développement, la banque mondiale, le bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, Electoral institute for sustainable democracy in Africa et d’autres organisations de la société civile. Sur le plan organique et juridique, l’activité de la CEEAC repose sur un ensemble de textes officiels. L’on recense, entre autres, le traité révisé instituant la communauté économique des États de l’Afrique centrale, le protocole instituant le réseau des parlementaires (REPAC), le protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité (COPAX), le pacte de non-agression entre les États membres, le comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale, le pacte d’assistance mutuelle entre les États membres, l’accord siège entre le gouvernement de la République gabonaise et la CEEAC, la convention en matière de coopération et d’entraide judiciaire, et le règlement intérieur de la commission consultative. De fait, la multitude d’organes et la réforme du traité sont l’expression de la volonté des dirigeants politiques de cette organisation de modifier et de renforcer les méthodes de collaboration. L’argument le plus conforme à cette démarche est celui du raisonnement stratégique de la CEEAC. En tant qu’organisation internationale à vocation sous-régionale, la CEEAC prend en compte les spécificités et les visions nationales de la sécurité et de la paix des États membres. La double appartenance de la CEEAC au système international et au système régional est à l’origine des contingences socio-économiques et des questions de développement. Ainsi, le fonctionnement de la CEEAC détermine les influences qui existent entre ses membres dans la poursuite de leurs projets communs sur le plan de la paix et la sécurité. Il en résulte dès lors que le raisonnement stratégique de l’organisation entraîne la réaction des acteurs institutionnels qui acceptent les normes édictées et les méthodes en vigueur dans la CEEAC. À ce niveau d’interactions, l’effectivité du multilatéralisme sécuritaire se traduit tout d’abord par l’acceptation de la contrainte normative. Ensuite, elle se consolide à travers la validation commune de l’agenda et des programmes à mettre en œuvre. Enfin, elle se concrétise par la posture consensuelle des négociations comme étape de la prise de décision.  

L’approche organisationnelle observée dans la CEEAC dénote une réforme aboutie du Traité. Elle permet de constater l’allègement du système de collaboration et la fluidité dans le traitement de certaines questions. Le cas le plus explicite est relatif à la question de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée qui fait également partie de la dynamique du multilatéralisme en Afrique centrale. L’on constate à cet égard que la mise en œuvre de l’article 90 du Traité et les activités du plan stratégique indicatif à moyen terme 2021-2025 ont conduit à l’organisation de la première conférence maritime (COMAR 1). La participation des pays membres à toutes les réunions de haut niveau politiques et techniques est un indicateur de leur prise en compte de la stratégie sécuritaire internationale et régionale. Finalement, la CEEAC reste centrée sur sa ligne directrice qui vise l’intégration régionale politique, sécuritaire, économique, monétaire, financière, sociale, culturelle, scientifique et technique. À la lumière de l’article 3.e du traité, l’on note à la fois, la promotion et le renforcement des relations de bons voisinages, le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des États. 

L’épreuve de la cohésion opérationnelle des actions sur le terrain des conflits

La CEEAC est en permanence mise à l’épreuve des situations intérieures des pays membres. La manifestation du multilatéralisme sécuritaire est de fait conditionnée par l’exécution rationnelle des décisions et des orientations régionales et internationales. Ainsi, le déploiement de la CEEAC sur le terrain est limité par un ensemble de contraintes et de difficultés. Il s’agit des spécificités sécuritaires de chaque État membre d’une part, et, d’autre part, de l’existence des doublons institutionnels pour la mise en œuvre des opérations de soutien à la paix (OSP). Le traitement des questions liées à la sécurité, l’intégration et la coopération dans la CEEAC requiert l’analyse des pratiques existantes et des différentes contributions des États membres. Au regard de l’alignement de l’organisation sous-régionale aux normes et traités internationaux, toutes ses actions s’inscrivent dans les approches internationale (ONU) et régionale (UA). L’architecture sécuritaire de l’Afrique centrale repose sur le COPAX. L’organe clé et structurant de la politique sécuritaire de l’Afrique centrale est entré en vigueur en application de l’article 22 du Traité révisé de la CEEAC. Il est composé de la conférence, du comité technique spécialisé sur la défense, la sureté et la sécurité (CTSDSS) et du comité des représentants permanents (COREP). Le COPAX a pour but de garantir la stabilité politique et sécuritaire à travers la mise en œuvre d’un ensemble de politiques communes, notamment, le pacte de non-agression, le pacte d’assistance mutuelle, la diplomatie préventive, le déploiement des missions et opérations de soutien de la paix. Il œuvre à titre préventif au maintien, au rétablissement, à la consolidation de la paix et à la reconstruction post-conflit. Il contribue par ailleurs, à l’élaboration des stratégies et des dispositifs de coopération policière et judiciaire, au développement des capacités des dépenses communes permettant l’harmonisation et la coordination des stratégies nationales de défense, des standards de formation, d’équipement et d’entraînement. Le COPAX a une portée préventive, car il veille à la coopération contre toute forme de menace ou d’agression contre les intérêts vitaux ou l’intégrité territoriale des États membres.   L’on constate dès lors que l’opération de soutien de la paix ne peut être effective qu’à condition que le mode d’intervention corresponde aux critères et dispositifs requis en la matière. De fait, la volonté politique et diplomatique d’y voir l’harmonisation des approches du multilatéralisme traduit les différences observées. Chaque pays de la CEEAC a ses équipements militaires, dispose d’une armée ayant une formation spécifique et utilise des stratégies conformes à ses intérêts. Ces données permanentes conduisent à l’observation d’un ensemble de problèmes majeurs et de blocages dans l’effectivité du multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale. Il existe en effet plusieurs institutions qui pratiquent le multilatéralisme sécuritaire. La communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC), la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT), la commission économique des pays des Grands Lacs (CEGL). De plus, certains pays de l’Afrique centrale sont membres d’autres CER. C’est le cas de l’Angola et de la RDC dans le cadre de la communauté de développement de l’Afrique Australe d’une part, et, d’autre part, du Burundi, de la RDC et du Rwanda dans la Communauté de l’Afrique de l’Est. Aussi, leur dispersion stratégique affecte l’effectivité de la CEEAC. En deuxième lieu, le multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale est soumis à l’obligation objective de son financement et de la cohérence d’actions. Il y a très peu de moyens financiers disponibles pour les opérations de soutien à la paix. Les équipements militaires sont insuffisants.  Quant aux opérations sur le terrain, elles sont encore soumises à l’arbitrage et au financement de l’Union africaine et des Nations Unies. Sur le plan des techniques de combat, d’encadrement et de soutien, les troupes militaires manquent d’entraînement. Le comité technique sur la défense, la sureté et la sécurité en Afrique centrale et le comité des représentants organisent des réunions spécifiques et thématiques au niveau des experts. Leurs actions prioritaires et les taux de réalisation mettent en exergue le caractère discontinu des dynamiques sécuritaires en Afrique centrale. Elles se traduisent par la formulation des réponses variables selon les pays. Finalement, l’on observe des résultats nuancés dans les opérations de soutien à la paix et des différentes médiations engagées notamment à l’est de la RDC, en RCA, et au Burundi. L’actualité récente concernant les exactions du mouvement des rebelles du M23 dans le Kivu a amené les États membres à condamner fermement leurs intrusions et les crimes contre les civils. L’exemple le plus frappant concerne les tensions diplomatiques entre la RDC et le Rwanda. Dans le communiqué final de la 22e session de la conférence des chefs d’États et de gouvernement de la CEEAC tenu le 25 février 2023, les autorités ont invité « […] Les autorités du Rwanda et de la RDC à privilégier les voies pacifiques pour résoudre leur différend. La conférence a instruit le président de la commission à poursuivre au nom de la CEEAC, ses bons offices auprès des deux États en parfaite harmonie avec le processus de Luanda piloté par le président de l’Angola, champion de l’UA pour la réconciliation et la paix en Afrique ». 

Dans la continuité des interactions multilatérales, les opérations de la force multinationale d’attente en Afrique centrale viennent compléter la vision politique de la CEEAC. Les projections de l’APSA prévoient 5000 militaires des unités d’appui de l’armée de terre, l’air et de la marine ; 300 à 500 observateurs militaires, des structures d’entraînements y compris des centres d’excellence, un poste régional permanent de planification et un dépôt logistique homologué par l’Union africaine. Armée africaine non permanente, la force multinationale d’attente a pour but principal de mener des missions de paix, de sécurité et d’aide humanitaire. Les troupes issues des différents pays membres ont un statut particulier prévu dans la décision n°033/CEEAC/CGEC/XXI/22 du 22 juillet 2022. Le dernier exercice de la FOMAC a eu lieu en 2014. La difficulté majeure relevée dans le comportement des États est la méfiance et la suspicion d’ingérence dans leurs affaires intérieures. Tel est le cas du Burundi qui a opposé un refus de prise en compte des alertes du MARAC sur les risques sécuritaires. Toutefois, le blocage majeur de la FOMAC se caractérise par l’absence d’une directive en termes d’inter opérationnalité. La RDC est un cas d’étude intéressant qui met en lumière la difficulté opérationnelle d’une intervention par manque de financement, d’équipements et de troupes multinationales disponibles. Enfin, le comportement des États est influencé par leurs positions géographiques, leur poids économique et les enjeux de leadership dans les actions militaires. L’on observe les revendications de ce leadership opérationnel par l’Angola qui fait partie des plus grands contributeurs financiers de l’organisation. En dépit de ses tensions avec le Rwanda, le Burundi et l’Angola, la République démocratique du Congo détient un avantage économique sur les autres pays de la CEEAC. Le Congo qui a connu des années de guerre civile et militaire défend l’idée de la fusion des institutions et des organes sécuritaires de l’Afrique centrale. Après le coup d’État militaire survenu le 30 août 2023, le gouvernement de transition du Gabon maintient sa volonté de poursuivre son rôle prééminent au sein de la CEEAC dont il accueille le siège des institutions. La Guinée Équatoriale et São Tomé et Príncipe restent deux pays pacifiques qui font le contrepoids dans le processus décisionnel. La RCA qui demeure instable bénéficie du soutien de la conférence des chefs d’États et de gouvernements de la CEEAC en vue de la levée de l’embargo sur les armes. Le Tchad engagé dans un processus de transition politique et de sécurisation de ses frontières attaquées par Boko Haram met tout en œuvre pour bénéficier de l’accompagnement de la CEEAC et de contribuer à sa réforme institutionnelle. Le Cameroun s’inspire du mécanisme sécuritaire onusien de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) pour résoudre ses problèmes internes relatifs aux attaques terroristes de Boko haram à l’extrême nord et à la crise du nord-ouest-sud-ouest. Enfin, le Rwanda et le Burundi qui partagent leur frontière avec la RDC réagissent en fonction des contextes aux pressions externes par des positions coopératives ou défensives. 

Les défis surmontables malgré la résilience des conflits

Les activités des différentes organisations multilatérales de l’Afrique centrale mettent en lumière les tensions inhérentes à la gestion des questions démographiques, économiques et sécuritaires. Pour relever les défis sécuritaires, les concertations régulières et sectorielles avec les autres CER, l’UA et les Nations Unies facilitent les appuis techniques conséquents des opérations de soutien à la paix et de maintien de la paix. Concernant la coopération avec les Nations Unies, la CEEAC bénéficie de l’accompagnement stratégique du Bureau régional pour l’Afrique centrale (BRENUAC/UNOCA) et du représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies. De fait, à chacune de ses interventions, la représentation sous-régionale onusienne rappelle son engagement en faveur du multilatéralisme à travers les bons offices, la diplomatie préventive et la médiation. Dans cette lancée, la deuxième réunion de coordination d’évaluation des dispositifs d’intégration et de sécurisation entre la CEEAC et les Nations Unies est prévue courant 2024. Elle va mettre en avant l’intérêt du multilatéralisme sécuritaire dans l’analyse systématique de la paix et la sécurité. Cette démarche ayant pour but de contribuer au partage des informations et au renforcement des mécanismes d’actions décrits dans les matrices opérationnelles. Finalement, la contribution du bureau des Nations Unies vient en appui des missions du comité consultatif permanent chargé des questions de paix et de sécurité en Afrique centrale (UNSAC). Avec la Commission de l’Union africaine, la CEEAC a signé un nouveau protocole de coopération le 6 mai 2022 à Libreville. À cette occasion, les deux institutions ont réaffirmé leur volonté de coopérer dans le respect des principes de solidarité et de complémentarité en vue de la réalisation de l’agenda 2063. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine constitue à cet égard le référentiel d’action de l’architecture de paix pour les communautés économiques régionales. Il soutient la CEEAC tout en suivant son alignement aux règles et aux normes édictées dans l’architecture de paix et de sécurité. À l’image des organisations sous-régionales, le fonctionnement de la CEEAC est soumis à un ensemble de défis. En premier lieu, les contributions financières régulières des États membres pour les piliers institutionnels et opérationnels. En deuxième lieu, le rééquilibrage des actions en faveur de la paix et de la sécurité. En troisième lieu, le niveau de cohésion entre les pays membres. En quatrième lieu, la mise en œuvre des différentes décisions de la conférence des chefs d’États et du traité révisé de la CEEAC. Enfin, en cinquième lieu, l’engagement collectif de tous les États membres pour faire fusionner la CEMAC avec la CEEAC. Ce dernier défi qui constitue une approche unique et originale va contribuer à long terme à l’introduction des bonnes pratiques expérimentées respectivement par l’Angola, le Burundi et la RDC au sein de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est et de la communauté de développement de l’Afrique australe. 

Conclusion

La mise en œuvre du multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale pose le constat d’après lequel la coopération entre différents acteurs est un processus qui nécessite des ajustements. Pour parvenir à l’intégration des peuples, l’application efficiente de l’architecture de paix et sécurité doit être renforcée par la volonté politique et l’engagement des États sur le terrain. De fait, l’impact des spécificités et des intérêts des pays membres, les changements des contextes et des enjeux politiques, économiques, sociaux et de développement de la région fragilisent en permanence la stabilité de l’organisation sous-régionale. Le bilan du multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale reste mitigé à cause des limites budgétaires, logistiques et stratégiques. La mise en œuvre des opérations de soutien de la paix et de maintien de la paix dans les zones de crises et de conflits demeure pour leur cas une gageure malgré la révision du traité de la CEEAC et le renforcement de la coopération avec l’Union africaine et les Nations Unies. 

Notes

Notes
1 Affirmation du Commissaire Paix et sécurité de l’Union africaine, Bankole Adeoye lors de la conférence de presse le 18 février 2024 à Addis Abeba.
Bibliographie/Références

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Traité instituant la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, révisé en 2018. 

Pour citer ce document :
Balkissou Hayatou, "Multilatéralisme sécuritaire en Afrique centrale. États des lieux et défis". Journal du multilatéralisme, ISSN 2825-6107 [en ligne], 26.02.2024, https://observatoire-multilateralisme.fr/publications/multilateralisme-securitaire-en-afrique-centrale/